DOUE et son histoire par Maurice Burteaux
DOUE 77510 UN VILLAGE AU PIED DE SA BUTTE.
mise en route du site : 02/04/2016
POUR FAIRE CONNAISSANCE
On peut consulter sur le Net : le site de la Mairie et labuttededoue.free.fr où l’Association pour la sauvegarde de l’église de Doue donne un bon aperçu sur l’église.
Par ailleurs on peut lire :
Géographie historique de la commune de Doue par M.F. THÉVENOT. Coulommiers. 1883
Doue, grande et petite histoire d’un village de France, par J. SCHELSTRAETE. Monuments et sites de Seine-et-Marne. 2004. Livre désigné ci-après par [DJS].
CONCERNANT CE SITE.
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TABLE DES MATIÈRES.
I-GÉOGRAPHIE
1-Généralités.
- a) Le Bassin parisien. b) La Brie.
2-Doue. Géographie physique.
- a) Le terrain. b) Les eaux. c) l’étymologie.d) L’environnement.
3-La commune de Doue.
- a) L’origine. b) Le village. c) Les hameaux et lieux-dits habités. d) Les lieux-dits non habités. e) La population.
4-Doue. Géographie économique.
- a) L’eau. b) Le bois.c) l’agriculture.d) La vigne et les arbres fruitiers. e) Le sous-sol.
II – HISTOIRE
1-Le Moyen Âge en Brie.
- Ce que l’on mange. b) La santé.
2-L’ÉGLISE.
a- L’église gothique.
b- L’évolution du gothique.
c- L’église Saint-Martin de Doue.
3-Le statut de la terre au 18ème s.
4- Questions sur l’origine du nom JUVÉNAL des URSINS.
- a) La famille. b) URSINS dérive de ORSINI. c) Une autre version. d) Un fait troublant.
5-Guerre 1914-1918.
- a) Doue pendant la guerre d’après les délibérations du Conseil Municipal. b) Compléments.
- b) Les Britanniques dans la Grande GuerrSeptembre 1914. De la bataille des Morins à la bataille de la Marne.
- c) Le corps expéditionnaire britannique. b) L’avance allemande. c) La bataille du Petit Morin.
6-Mélanges.
- a) Campagne de France 1814..b) A propos de JUVENAL des URSINS et d’HARVILLE. c) A propos de soins anciens. d) A propos d’agriculture.
III-SOUVENIRS.
1-Prologue.
2-Doue des années 1930/1940.
- a) Impact de l’agriculture. b) Autres artisans et commerce.
3-La guerre 1939.1945 et ses conséquences.
- a) La guerre. b) L’exode.c) L’occupation. d) Le terrain d’aviation. f) La libération..
IV-ADJOINT AU MAIRE.
1-Le cadre :a) Les élections. b) Les échelons administratifs. c) Les syndicats communaux. d) Fusions de communes..
0-EXERGUE.
“Les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un profond respect du passé. Tout ce que nous sommes, tout ce que nous faisons est le fruit d’un travail séculaire.” Ernest RENAN. Souvenirs d’enfance et de jeunesse. 1838.
« Même si tu es sur la bonne voie, tu te feras écraser si tu restes assis ». JF Delesalle (2023)
I-GÉOGRAPHIE.
mise à jour : 18/07/2016.
1-GÉNÉRALITÉS.
- a) LE BASSIN PARISIEN.
Le Bassin parisien se compose d’une cuvette de roches primitives dans laquelle se sont empilées des couches de roches sédimentaires de la même façon que l’on empile des assiettes. Les caractères de ce bassin sont d’abord que les “assiettes” sont de plus en plus petites quand on passe d’une couche géologique à l’autre, la plus grande étant donc au fond. Par ailleurs le bord de chaque couche est relevé et forme alors un coteau. Vers l’est le coteau le plus proche de Doue se trouve dans la région Montmirail/Champaubert où l’on culmine à une altitude de 220/230 m contre 170/180 m à la limite de la Seine-et-Marne. Enfin dans le Bassin parisien la pente est généralement vers l’ouest comme le montrent le cours de la Seine et celui de la Marne.
L’essentiel des dépôts est d’origine marine et date de l’ère secondaire qui s’est terminée il y a 65 millions d’années. Toutefois dans la partie centrale du bassin, au-dessus de ces terrains, se trouvent des terrains tertiaires de l’Éocène et de l’Oligocène (de moins 55 à moins 28 millions d’années); dans cette période les sédiments sont parfois d’origine marine et parfois d’origine lacustre; il n’y a pas de couches sédimentaires plus récentes car après l’Oligocène la mer s’est retirée du bassin. La quasi totalité de l’Ile de France est située sur ces terrains tertiaires, plus ou moins recouverts par des dépôts de l’ère quaternaire : limons et alluvions. On a cité ci-dessus la zone Montmirail/Champeaubert; c’est là que se trouve la limite entre le tertiaire à l’ouest et à l’est le Crétacé supérieur (du latin creta, craie, et qui appartient au secondaire).
- b) LA BRIE.
b1 NOM. En latin : Saltus (région de bois et de pacages) Brigensis ou Brigia Silva (forêt) ou Pagus (district, pays) briegius; d’après le Dictionnaire universel français et latin. Tome I. Paris. 1752 et Dictionnaire GAFFIOT.
« La plus ancienne mention qui ait été faite de Brie est de l’an 632 et se trouve dans le testament de Burgundofara où elle est appelée Pagus Briegius. » Polyptique de l’abbé IRMINON par M. GUERARD tome I. 1844. p.97.
b2 ÉTYMOLOGIE. L’origine du nom n’est pas claire; on cite deux possibilités : 1) Le terme gaulois, briga, (de la même racine que l’allemand Berg, montagne) qui a signifié colline puis forteresse; la Brie serait donc une zone d’altitude supérieure à ce qui l’entoure. 2) Un terme dérivé de braco, marais, qui est à l’origine de deux villages nommés Brie, 02870 et 35150; cette Brie là est particulièrement humide.
b3 GÉOLOGIE.
Sources : Plusieurs sites dont www.eau-seine-normandie.fr. et www.futura-sciences.com.
- CATEL, La Haute Brie. Annales de Géographie n°210. 1928.
- BRUNET. Essai sur le peuplement de la Brie. Bulletin de l’Association des géographes français. 1953 vol.30.
Différentes couches du haut vers le bas : Calcaire de Beauce. Sables de Fontainebleau. Argile à meulières (*) . Calcaire de Brie. Marnes à gypse (**) . Calcaire de Champigny ($). Sables de Beauchamp. Calcaire grossier du Lutétien ($$). etc.
(*) Quand j’étais gamin, j’ai vu des trous d’où on extrayait des pierres meulières pour la construction dans une prairie entre Croupet et St-Germain-sous-Doue .Bien plus tard mon voisin, maçon, m’a dit que la meulière qui forme la base du banc se taillait facilement et de ce fait qu’on l’utilisait pour le soubassement des maisons. (**) Il y a eu aux Grands Montgoins, commune de St-Cyr-sur-Morin, une plâtrerie, le gypse nécessaire à la fabrication du plâtre était extrait à proximité. ($) Nappe phréatique importante. ($$) Calcaire employé pour la construction; voir ci-après IV-L’ÉGLISE./3) L’église St Martin de Doue/e) La construction, les matériaux.
D’un endroit à l’autre, l’épaisseur des couches peut-être variable et certaines couches peuvent manquer principalement du fait de l’érosion.
Eustache DESCHAMPS, poète champenois du 14 ème s. décrit la terre de Brie : « Nul pays n’est à la Brie pareil, De faux chemins, de boue et d’ordure …. chacun se plaint et crie, En maudissant telle terre qui endure, Les sautériaux (*) et les buissons de Brie. » (*) Sobriquet donné aux paysans briards qui doivent sauter les profonds fossés de drainage creusés au bout de leur champ. BRUNET p.164.
b4 LE PEUPLEMENT. Sources et citations : P. BRUNET.
Comparé au reste de l’Île de France, « le peuplement briard est tardif ; il s’est fait de manières très variées. » Pour ce concerne la partie de la Brie qui nous intéresse (*), vers 2500 avant J.C. on repère la présence de Campigniens dans les vallées inférieures du Grand Morin ; vers 900 avant J.C. des Celtes sont installés dans la vallée supérieure du Petit Morin ; dans le dernier siècle avant J.C., Jules CESAR fait état des Meldes (Meaux) qui semblent être pour lui un peuple peu important en comparaison par exemple des Rèmes (Reims). Le retrard de peuplement du plateau briard semble s’expliquer par la lourdeur des sols difficiles à cultiver, par la densité de la couverture forestière et par le manque de silex pour la fabrication d’outils.
(*) Elle peut être définie par l’ancienne forêt du Mans qui « au 12ème s. couvrait la plate-forme de meulière de Brie qui s’étend entre le Grand Morin et la Marne… Au 7ème s., les disciples de Saint COLOMBAN s’établirent à Jouarre, Rebais et (St-Fiacre) au milieu des forêts… Les défrichements commencent sous la direction des abbayes de Jouarre et de St-Denis (ou Rebais ?) et de la commanderie de Bilbartaut, avec l’autorisation des comtes de Champagne .» p.168.
b5 MOTS ET EXPRESSIONS BRIARDES d’après Le vocabulaire des provinces françaises. Le Figaro. 2007.
Banne : Berceau. Etymologie : bas-latin benna, chariot en osier. p.54.
Broyer : En parlant des animaux, ruminer. Etymologie : francique brëkan, briser ou gothique brikan. p.89.
Cochon : Faire la Saint-Cochon , abattre un cochon. p.125.
Dardeler : Marcher d’un pas vacillant, tituber. p.144.
Emplir : Rendre pleine une femelle. p.169.
Emplir (s’) : En parlant d’une femelle et particulièrement d’une vache, être pleine.
Hasard : C’est bien d’hasard, ce serait surprenant ou c’est probable ou pas du tout, absolument. p.225.
Sonnailler : Mouton qui dans un troupeau va le premier, la sonnette au cou. p.371.
Tarabate : Enfant turbulent. p.380.
b6 DICTONS. Les dictons de Seine-et-Marne colligés par A . FOURTIER. 1872. p. 6.
Les eaux de Brie, bonnes à toutes vies, Celles de Champagne à toutes font peine. Oui mais les Champenois ont le vin !
Tant en Brie qu’en Champagne, Il n’a de pain qui ne le gagne. Il faut donc travailler pour manger.
2-DOUE GÉOGRAPHIE PHYSIQUE.
- a) LE TERRAIN.
Dans le cadre de la géologie de la Brie décrit ci-dessus, pour la commune de Doue on note 1) comme dans beaucoup d’autres communes, que les deux couches supérieures (Calcaire de Beauce et Sables de Fontainebleau) sont absentes parce qu’elles ont été généralement balayées par l’érosion, 2) que le niveau supérieur est donc généralement celui de l’Argile à meulières recouvert par un Limon (*), 3) et surtout un point très particulier, à savoir que le Calcaire de Beauce a résisté sur une petite surface (**), qu’il a ainsi protégé à cet endroit les Sables de Fontainebleau, et que l’ensemble constitue une butte témoin, la butte de Doue; c’est ce que décrit M. CATEL : “Parfois au-dessus de la plaine, émerge un monticule sableux que signale une tour ou une église.” p.502. (*) Le limon est composé principalement par de l’argile mêlée à des restes des Sables de Fontainebleau, son épaisseur varie de 1 à 2 m; c’est à lui qu’on doit la fertilité du sol. (**) L’épaisseur du banc de calcaire est de 4 à 5m d’après une étude sur le bassin de l’Orgeval.
Dans le Terrier (l’équivalent du cadastre actuel) de 1784 il y a quelques lieux-dits dont le nom rappelle la présence de sable. 1) Les Petits Sablons, les Grands Sablons et le Pré des Grands Sablons désignent une bande de terrain qui, au bas de la butte, commence à l’actuel terrain de foot-ball et se termine à mi-chemin du Château de part de d’autre de la route qui s’appelait alors le Grand chemin de coulommiers à Château-Thierry. 2) Une petite zone à l’extrémité de la rue Champenois où est l’ancienne maison de mes parents que j’ai habitée pendant 15 ans s’appelle les Petits Sablons de la Crossette .
- b) LES EAUX.
La nature argileuse du sous-sol est la cause de l’importance de l’eau dans la commune ou avant elle, dans la paroisse de Doue; cette importance est d’autant plus grande que la pente générale s’incline d’est en ouest comme le montrent les altitudes : 180 m à Bois-Baudry, 146 m au Château, 141 m à la Loge (données IGN 1985). On note également une pente nord/sud : 152 m à Mauroy, 145 m au Taillis.
LES ÉTANGS.
Suite à l’évolution des pratiques agricoles et aux efforts faits pour les améliorer, ils ont disparus, au moins en tant qu’étendues d’eau ; pour en parler il faut se tourner vers le Terrier de 1784. A cette époque on trouve :
1) Une suite d’étangs orientée nord/sud : L’étang de Cheverie, l’étang de la Maréchal (de faible surface) puis l’étang de La Motte (40 à 50 ha avec Maréchal) dont l’extrémité se trouve à la hauteur du Plessier. Des barrages isolent chaque étang de son voisin. Le cadastre de 1813 ne cite, en eau, que l’étang de la Maréchale et on y trouve un lieu-dit Ancien étang de la Motte. L’étang de la Maréchale est encore en eau dans le cadastre de 1847.
Au Moyen Age la motte était en particulier un monticule artificiel sur lequel se trouvait un fort ou un moulin à vent (LITTRÉ). Le moulin à vent est peu probable à cause de la présence des bois; le fort est possible car Mauroy, qui n’est pas très loin, a été une seigneurie indépendante.
2) Dans les bois de la Récompense, c.-à-d. à la hauteur de la Chevrie, une pièce d’eau s’appelle la Queue d’Asne, peut-être à cause de sa forme ?
3) Une série d’étangs du côté de la Loge dont le Grand Étang qui couvre toute l’échancrure dans les bois limitée grossièrement par une ligne partant de la Loge et perpendiculaire à la route (153 ha). Au fond vers les bois de Jouarre, un étang du Batardeau (20 ha) se branche sur le Grand Étang. A la Loge, la route sert de chaussée à l’étang ; c’est la digue qui le limite et fixe la hauteur maximum de l’eau. L’excédent d’eau est évacuée par un canal sous la route et se déverse dans l’étang de la Décharge, suivi de l’étang de la Presle, suivi de l’étang des Gains. Le Terrier signale encore un étang de l’Aune et un étang des Fossés Flamand qui sont à l’extérieur de la paroisse. Pour le cadastre de 1813 et celui de 1847, le Grand Étang, l’étang du Batardeau et celui de la Décharge sont, semble-t-il, encore en eau.
D’après LITTRÉ, le batardeau est un terre-plein revêtu de briques ou de pierres pour contenir les eaux d’une rivière ou d’un étang ; c’est donc uns sorte de digue. Presle est l’ancienne orthographe de prêle, plante des lieux humides. Gain : voir infra les lieux-dits non habités. Aune,ou aulne, arbre des lieux humides.
4) Un étang de l’Écoute s ‘il pleut, qui est signalé en eau dans le texte mais ne l’est plus sur le plan. Ce nom curieux indique l’ancienne présence d’un moulin : « Les ennemis du meunier venaient se venger, quand la sécheresse le faisait manquer d’eau en lui susurant Écoute s’il pleut, nom conservé dans quelques hameaux. » Les noms de villes et de villages. Belin. 1983 p.271. La présence à proximité d’un lieu-dit Sous la fausse bonde semble confirmer l’abandon de l’étang car la bonde était la vanne qui permettait de régler la sortie de l’eau, voire de vider l’étang. C’est probablement l’étang de la carte de Cassini dont l’émissaire rejoint le ru de l’Étang de la Motte aux Fosses (voir [DJS] p.134.)
Brie des étangs. « Les paysages de terres lourdes et imperméables du plateau, ponctuées de mares et d’étangs et auxquels l’appellation Brie des étangs fait référence, ont aujourd’hui pratiquement disparu. Mais les vestiges restent perceptibles (*) et constituent une ressource patrimoniale importante. » p.94. «Le paysage du plateau de Rebais et de Doue a conservé jusqu’ici son caractère agricole. La butte de Doue constitue évidemment un élément majeur qui doit être valorisé notamment par le maintien de paturages et de bosquets (**). La reconstitution de certains étangs disparus (***) peut également constituer un objectif. » p.104. Textes tirés de www-seine-et-marne.fr/contact… (*) On a vu ci-dessus qu’à la Loge la RD19 empruntait la chaussée de l’ancien Grand Étang et que le ru qui passe sous la route est le reste de l’exutoire de l’étang. Une configuration semblable se retrouve à deux reprises sur la même route entre la Loge et Pierre-Levée : juste après la Brosse et entre Courte Soupe et la RD21. Les deux rus sont d’ailleurs des affluents du Rognon (voir ci-dessous). (**) C’est le cas d’une bonne part de la surface ; la question de la partie cultivée sur le versant sud -où l’érosion se manifeste avec des coulées de boue- est liée à la propriété agricole. (***) C’est à mon avis une question posée bien légèrement compte tenu des problèmes soulevés (propriété, salubrité, rentabilité…)
LES RUS.
Une source : A. BAZIN. Études sur la rivière et la vallée du Grand-Morin. P. Brodard. 1907.
Le réseau hydrographique actuel.
Trois cours d’eau quittent la commune de Doue : 1) Le ru de Fosse-Rognon né au sud de Bois-Baudry et qui s’écoule à peu près est-ouest jusqu’à Croupet. 2) Le ru de l’Étang de la Motte né à la Croix St Aile à l’est de Mauroy ; il coule est-ouest jusqu’à la Chevrie, à partir de là il prend une direction nord-sud jusqu’à Croupet où il se réunit au ru de Fosse-Rognon. La réunion des deux rus forme alors le ru des Avenelles. 3) Le ru de la Loge, qui est l’ancien émissaire du Grand Étang (voir ci-dessus), se déverse dans le ru des Avenelles à St-Germain-sous-Doue. A la sortie du Bois Louis, sous le Theil quartier de Coulommiers, le ru des Avenelles rejoint le ru de Rognon qui vient de Pierre-Levée. Le résultat de cette jonction devient le ru de l’Orgeval qui se jette dans le Grand Morin en aval de Boissy-le-Châtel. Ledit Grand Morin rejoint la Marne à Esbly. Avenelles est un dérivé d’avoine, d’après Les noms de lieux. PUF. p.86. Orgeval viendrait du celte orc-val qui signifie orée de la vallée d’après Wikipedia à Grand Morin. Morin peut venir du celte more, marais, mais cette étymologie est contestée. D’après Wikipedia, Marne vient du latin Matrona, nom dérivé de Maderon, mère-divine en celte.
Le bassin versant de l’Orgeval a 104 km2 . Les rus y sont parfois classés d’une autre façon que ce qui est dit ci-dessus : Dans www.sage2morins.com le ru de l’Étang de la Motte devient le ru des Avenelles ; il a comme affluents le ru de Fosse-Rognon et le ru de la Loge. Dans www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr le ru de l’Étang de la Motte prend le nom de ru de l’Orgeval et a comme affluents le ru de Fosse-Rognon, le ru de la Loge et le ru de Rognon.
Le ru de Fosse-Rognon.
Étymologie de Fosse Rognon. De nombreux ruisseaux et une rivière de Haute-Marne (73 km) portent le nom de Rognon. Le débit de la rivière est irrégulier ; il peut varier de 2 m3/s en été à 19 m3/s en hiver. Si l’on ajoute que rognon est synonyme de mauvaise humeur on peut penser qu’un cours d’eau appelé Rognon est irrégulier, avec des variations importantes de débit. C’est le cas du ru de Fosse-Rognon; à l’extrémité de mon champ de la rue Champenois, je l’ai connu en été, réduit à quelques flaques, et en hiver je l’ai vu plein à ras bord ; j’ai aussi le souvenir d’habitants de Melarchez surpris de se retrouver les pieds dans l’eau en une nuit. Il semble par ailleurs que Fosse doit être pris au sens de fossé, de sorte qu’on pourrait dire simplement Fosse-Rognon ; cette hypothèse paraît confirmée par le fait que dans le cadastre de 1813 la feuille F est la « section dite de la Fosse Rognon ». Il y a eu anciennement une seigneurie de Fosse-Rognon.
Autres appellations. Dans le Terrier de 1784, on l’appelle ru venant de Melarchez ; en amont de Melarchez il porte le nom de ru du champ des Pierres et reçoit comme affluent le ru de Launoy. Le plan de l’Election de Coulommiers fait en 1787, l’appelle ru de la Vernelle.
Un affluent. Vers l’aval il reçoit le fossé de la Maquerelle qui naît au sud est de Baillard.
Launoy est un hameau de la commune de la Trétoire. Vernelle diminutif probable de vergne ou verne, synonyme régional pour aulne, arbre des lieux humides. Maquerelle : le dictionnaire de Trévoux, 1743/1752 dit pour Maquerellage : « Adresse et moyens dont on se sert pour débaucher et prostituer les femmes et les filles. » Le terme de maquerelle a-t-il choqué ? J’ai trouvé à deux reprises le nom de Nougerole pour désigner le ru correspondant ; c’est semble-t-il le terme noue que nous verrons plus tard et son qualificatif.
Au sujet des débordements du ru de Fosse Rognon, je me rappelle que l’hiver il y avait souvent une grande mare qui se créait à la hauteur de Baillard, du côté gauche de la route en allant vers Rebais. Cette mare était parfois gelée et c’était un bon endroit pour aller patiner. Dans les années 1950 on a installé à Mélarchez des moyens pour surveiller le ru et mesurer son débit. En ce point passent les eaux d’un bassin versant de 7 km2. Il n’est pas facile de trouver des chiffres qui parlent à tout le monde ; de divers graphiques et donc de façon approximative, j’ai tiré les valeurs suivantes pour les débits à Mélarchez : janvier = 126 l/s, avril = 56 l/s, août = 7 l/s, moyenne annuelle = 100 l/s. On constate de grandes variations du débit, qui de plus varie avec la tombée de la pluie en moins de 3 heures, d’où le Rognon.
Un exemple : Le 26/03/1992 le ru de Fosse-Rognon entre en crue. A Mélarchez, en 10 heures, le débit augmente d’environ 50 l/sec à environ 600 l/sec. La décrue est moins rapide : de 600 à environ 300 l/sec en 10 heures. D’après un graphique dans L’eau issue des bassins-versants ruraux. www.side.developpement-durable.gouv.fr p.152
Le ru de l’Étang de la Motte.
Au 18ème s., à l’amont c’est lui qui alimente les étangs de la Chevrie et de la Motte décrits ci-dessus et à l’aval c’est l’émissaire de ces mêmes étangs et de celui de la Maréchale. Je n’ai pas d’indications sur son débit mais l’étiage est plus élevé que celui du ru de Fosse Rognon ; d’ailleurs , c’est le ru de l’Étang qui alimentait le lavoir communal des Fosses : un barrage équipé d’une vanne formait une retenue d’eau pour le lavoir.
Le débit du ru était (l’est-il encore ?) renforcé à la Chevrie par apport d’eau de source. Un plan des Archives nationales (Police Sanitaire 17ème s./1928 F8 204 dossier IV) concerne un « Avant-projet d’amenée et de distribution des eaux des sources de la Chevrie, commune de Doue. Fait à La Ferté-sous-Jouarre. par l’Ingénieur des Ponts et Chaussées. 20/05/1892. » Ce projet de captation a été repris dans les années 1950 et abandonné parce que que débit était trop faible.
Croupet et la Gouge.
A (ou au, comme on le dit aussi) Croupet les rus de Fosse-Rognon et de l’Étang de la Motte confluent, profitant de cette situation les anciens y ont installé un moulin dont l’existence est avérée au 18ème s. et jusqu’à la fin du 19ème s. Une retenue avait donc été établie à l’extrémité du ru de l’Étang de la Motte; en 1847 cette retenue s’appelait le Bierre, probable déformation de bief ou biez (« Canal qui renferme et conduit des eaux dans quelque élévation, pour les faire tomber sur la roue d’un moulin » Dictionnaire Trévoux 1743/1752). Après avoir actionné la roue, l’eau rejoignait le ru de Fosse Rognon. Mais, semble-t-il, le débit du ru de l’Étang de la Motte était parfois insuffisant car, à partir du lieu-dit le Rappel il y avait une dérivation du ru de Fosse Rognon, appelée ru du Moulin, qui amenait de l’eau dans le Bierre.
La Gouge est un lieu-dit de la commune de St-Germain-sous-Doue, proche de la limite de la commune de Doue. Il s’y trouve un poste de surveillance du ru des Avenelles qui contrôle les eaux d’un bassin versant de 24,7 km2, soit 2470 ha, à comparer à la surface de la commune de Doue, 2005 ha.
Le ru de la Loge.
A la Loge, le débit d’eau est celui d’un bassin versant de 9 km2 qui s’étend bien au-delà de la commune de Doue dans les bois de Jouarre où l’on trouve deux rus, le ru de Choqueuse et le ru des Quatre-Cents dont les eaux se déversent dans le ru de la Loge.
LES LIEUX-DITS HUMIDES.
Le nom d’un certain nombre de lieux-dits -ou de parcelles- reflète la présence de l’eau ; il s’agit de :
Le marais : Le terme est assez explicite ; au 18ème s., près de l’Étang de la Motte, il y a un Champ des Marais et une Cour des Marais, laquelle cour est encore présente en 1960.
Le marchais : D’après Les noms de villes et de villages p.184, vient du bas-latin mercassium, marais. Au 18ème s., par association avec un nom de personne (qui date souvent du Moyen Age), on désigne une parcelle, qui existe encore en 1960, par le Marchais Guérin au nord-ouest des Fosses.
La fontaine : Il faut ici retenir la définition du dictionnaire de Trévoux 1743/1752 : «Source d’eau vive qui sort de la terre. » Au 18ème s., la Fontaine aux Prêtres se trouve aux Fosses près du ru et le Champ de la Fontaine St Martin du côté de Croupet. En 1847 on cite une Fontaine de Fosse Rognon.
La noue. « Terre grasse et humide qui est une espèce de prés servant à la pâture des bestiaux. » LITTRÉ. Elle est souvent associée à un nom de personne : au 18ème s., la Noue Houdiart au sud du Taillis porte le nom d’un ancien propriétaire, et il y a un diminutif, la nouette ; ces deux noms sont encore présents dans le cadastre de 1960. De même la Noue Hébert , la Basse noue Regnault,. etc.
- c) L’ÉTYMOLOGIE DE DOUE.
c1 Généralités. L’étymologie est une science difficile parce qu’on n’a pas toujours une suite donnant l’évolution d’un mot depuis l’époque actuelle et remontant jusqu’à une source lointaine, par exemple le latin pour beaucoup de mots français. Pour les noms de lieux c’est encore plus difficile car les habitants eux-mêmes, au fil du temps, ont parfois modifié l’écriture ou la prononciation d’un lieu qui les concerne. De plus on est souvent tenté de s’en tenir à ce qui paraît être une origine évidente. Je prends l’exemple du hameau de Pierre-Levée nommé Courte Soupe, toute recherche semble inutile : c’est un lieu où on a eu faim, et il est très possible que ce soit la véritable origine. Mais je m’interroge pour plusieurs raisons : si ma mémoire est exacte il y a quelques dizaines d’années, le panneau annonçant le village portait le mot souppe ; la carte d’état-major au 1/50000 mise à jour en 1932 comporte un Grand et un Petit Courte Soupe ce qui ne colle pas très bien avec l’hypothèse évidente ; le bas-latin curtis a donné cour ou court (LITTRÉ) qui désignait un domaine rural ou une ferme, beaucoup de noms de lieux comprennent ce terme par exemple les noms de commune Cortagnon, Cortavon, Courtemaux formés à l’origine de cortem (déclinaison de curtis) suivi du nom du propriétaire. La conclusion est que souvent on aura deux étymologies, ou même plus, sans pouvoir trancher.
c2 Les documents utilisés.
BAILLY Paul. Toponymie de Seine-et-Marne. Éditions Amatteis. 1989.
CELLARD Jacques. Trésors des noms de famille. Belin. 1983.
LAROUSSE. Nouveau Larousse illustré, dictionnaire universel encyclopédique. 1898.
LITTRÉ Émile. 1872.
RÉTHORÉ G. Doue notice historique. Meaux. 1892.
ROSTAING Charles. Les noms de lieux. PUF. 1980.
SCHELSTRAETE Jean. Doue, grande et petite histoire d’un village de France. Monuments et sites de Seine-et-Marne. 2004.
TAVERDET Gérard. Noms de lieux de Bourgogne par. Éditions Bonneton. 1994.
THÉVENOT M. F. Géographie historique de la commune de Doue. Coulommiers. 1883.
VIAL Éric. Les noms de villes et villages de France. Belin. 1983.
c3 L’ancien tréma et la prononciation.
Le Palais de l’Honneur (1663) p.704 écrit Doüe en Brie. On rencontre l’écriture Doüe par exemple dans un acte de décès du 28/02/1737 (L’église de St Martin de Doüe), ou après la Révolution le 14 fructidor an III, c’est-à-dire le 31/08/1795 (Officier public de la commune de Doüe) et encore en 1827 (Devis estimatif des travaux… à faire à l’église de Doüe). Le tréma, introduit en 1532 par Jacobus SYLVIUS, indique généralement que la lettre ne fait pas partie d’une diphtongue et se prononce seule. Ici il ne semble pas que ce soit l’explication et je privilégie une autre hypothèse liée au fait que jusqu’au 18ème s. le U était à la fois une consonne égale au V et une voyelle : dans une Histoire de l’orthographe, bbouillon.free.fr note que le tréma sur le u indique qu’il s’agit d’une voyelle et il cite LA FONTAINE “On les loüe”. Dans le Terrier de 1784, une parcelle située près du Taillis, et encore présente dans le cadastre de 1960, s’appelle la noüe Gonet, avec un tréma qui joue le même rôle que pour Doue. Cette dernière remarque, et le fait que le nom de la parcelle se prononce NOU me conduit à penser que le nom de la commune se prononce bien DOU, et non DOUÉ, comme on l’a entendu parfois.On note enfin que sur l’affiche de 1817 qui concerne la vente du château on lit Douë.
c4 Un Doue inattendu. « Doue est situé à une lieue (du Puy-en-Velay) sur le sommet d’une montagne…Ce nom singulier que l’on écrit toujours en latin Doa, est diversement orthographié en français selon les époques. Nous avons relevé les formes suivantes : Doe, Doë, Douhe, Douë, Doue. Un étymologiste éminent fait venir Doa de ducta (aqua), eau conduite, source captée. Doue en effet, quoique situé sur une hauteur, a des sources abondantes. » Abbé R. PONTVIANNE. Recherches historiques sur l’abbaye de Doue. Le Puy. 1900.
c5 Des hypothèses pour l’étymologie de Doue
1° LE TERRAIN, LE LIEU.
Pour SCHELSTRAETE, l’origine du mot Doue, “serait un mot celtique : dun qui a donné le mot néerlandais dune désignant un monticule de sable. Le mot celtique dounun indiquait également une hauteur… Dans le plus ancien cahier de délibérations datant de l’époque révolutionnaire, Doue est systématiquement écrit avec un tréma sur le u, Doüe. Cette orthographe qui traduit une pronociation usuelle venue de la tradition (*) rappelle le mot gallois et semble-t-il également gaulois Doüvov qui signifie lieu élevé.” p.12 et 13. (*) Voir mon opinion ci-dessus.
Pour BAILLY, p. 54, “Doue, Montedoli en 1227. La butte de Doue qui recèle des vestiges préhistoriques, romains et gallo-romains se trouve à l’angle de deux vallées.” Pour étayer sa thèse, il cite plusieurs villages (dont Douy-la-Ramée, 77139), hameaux ou lieux-dits dans le nom desquels on retrouve la racine dol qui désigne un lieu élevé situé dans l’angle de deux cours d’eau qui se rejoignent (à Doue il s’agit évidemment des rus de l’Étang de la Motte et de Fosse Rognon qui confluent à Croupet) ou dans un méandre.
2° L’EAU.
THÉVENOT et RÉTHORÉ, font venir Doue d’un terme celtique dwi (source, fontaine, petit cours d’eau) et pour conforter leur choix ils s’appuient sur des noms qui dériveraient du même dwi comme Doué-la-Fontaine (49700), Dhuys (rivière de l’Aisne qui alimente Paris en eau par l’aqueduc du même nom), la Doyse, fontaine à Giremoutiers, et, plus étonnant, Douy-la-Ramée également cité par BAILLY ! J’y ajoute Duis, Dhuis et Douix cités par TAVERDET comme noms de sources. Enfin on trouve des rivières appelées la Doue dans le Périgord et dans le Gard, ou Douet dans l’Orne.
3° CONCLUSION.
Les auteurs précités donnent l’évolution de l’orthographe de Doue : Duensis en 1001, Duva en 1107 et 1135, Dova vers 1180, Doua en 1180, duvium en 1185, Mons Duinus ou Montem Duinam vers 1185, Doa en 1186, Doe à partir de 1220, Montedoli en 1227, Doue en français à partir de 1250, Doua en latin en 1363. Les appellations soulignées ou bien font clairement référence à la butte avec l’emploi du terme latin mons, montis montagne, ou bien contiennent la syllabe DU et la lettre N ce qui fait penser au mot DUN proposé par J SCHLESTRAETE; mais ces appellations n’ont pas de descendance après le 13ème siècle. Au contraire les autres termes forment une suite continue dans laquelle on ne trouve aucun N et qui aboutit à Doue/Doua à la moitié du 13ème s. Il est donc vraisemblable que c’est là que se trouve l’étymologie de Doue, et l’on peut ensuite remonter au celte DWI qui se prononçait probablement DOUI.
d L’ENVIRONNEMENT.
1 ZNIEFF.
Ce sigle qui ressemble à un éternuement cache une Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique. La butte de Doue est concernée par le ZNIEFF 110020138 qui couvre une surface de 9,72 ha ; elle y est décrite ainsi : « Butte témoin au milieu des cultures, présentant des pelouses relictuelles (*) sablo-calcaires : habitat exceptionnel dans les parties nord de Seine-et-Marne. La station d’Orchis bouffon (**) est menacée du fait des dépôts de déchets verts. »
(*) Relictuel : « Relatif à un milieu d’habitat de taille restreinte et protégé dans lequel les espèces animales se développent dans une moindre concurrence vitale. » Encycloepedia Universalis. (**) Orchis bouffon : « Orchidée sauvage européenne, dit fleur du coucou. Orchis morio en latin. Floraison : fin mars à avril. Taille : 10 à 40 cm mais souvent petite. Habitat : pelouse rase, sèche, caillouteuse. » orchidee-eu.blogspot.fr.
2 ENS.
Sigle pour Espace Naturel Sensible. « Selon la loi du 18/07/1985, le département a la compétence pour protéger les sites naturels qui présentent un intérêt pour la flore et la faune qu’ils abritent ou pour leurs caractéristiques paysagères ou esthétiques… Les 185 ha du bois de Doue, en continuité avec la forêt de Choqueuse sont classés Espaces Naturels Sensibles et ouverts au public. » www.ccbriedesmorins.fr.
3-LA COMMUNE DE DOUE.
- a) L’ORIGINE.
Le décret du 12/11/1789 stipule “qu’il y aura une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne”. Le 14/12/1790, l’Assemblée Constituante abolit toutes les municipalités existantes; des assemblées municipales nouvelles doivent être élues ainsi que le chef des corps municipaux : le maire. Ces nouvelles collectivités territoriales prendront le nom de communes en 1793. Le périmètre de la commune reprendra souvent le périmètre antérieur de la ville, de la communauté ou de la paroisse.
Sous l’Ancien Régime Doue se trouvait dans la Province d’Île de France, Généralité de Paris, Élection de Coulommiers et était le siège d’une seigneurie pour le domaine civil et d’une paroisse pour le religieux. Au passage, rappelons que ce territoire était jadis régi par trois seigneuries : Doue, Mauroy et Fosse-Rognon. Au moment de la création de la commune le seigneur de Doue était aussi seigneur de la Bergeresse et de ses dépendances comme la Noue et Malembout (Montlamboux à l’époque), c’est-à-dire d’au moins une grande partie de l’actuelle commune de St-Germain-sous-Doue; malgré cela la commune de Doue a été limitée à ce qui était la seigneurie de Doue telle qu’elle est décrite dans le Terrier de 1784. Cette hypothèse se vérifie par la correspondance entre les limites du plan terrier et celles du cadastre.
Une note de J. SCHELSTRAETE, p.71, montre que dès l’origine, avant même toute élection, l’administration est structurée, à côté de Denis BANSARD, premier maire de Doue, on a le procureur de la commune, le greffier et cinq officiers municipaux. La présence d’un procureur indique que la commune est, jusqu’à un certain point, responsable de la police. D’après le relevé des délibérations fait par J. SCHELSTRAETE p.72 et suivantes, l’une des tâches accomplies a été le découpage de la commune en sections qui deviendront les feuilles du cadastre de 1813 à savoir : la Loge (feuille A), le Plessier et la Chevrie (feuille B), Doue (feuille C), Croupet (feuille D), Baillard et le Taillis (feuille E), Bois-Baudry et les Neuillis (feuille G, Mauroy (feuille H), le Château et Saulsoy (feuille I). Avec le même auteur nous apprenons que la première élection a eu lieu le 13/11/1791, un dimanche et dans l’église; le nouveau maire est Pierre FLON et les autres élus sont deux officiers municipaux et sept notables; ils sont donc dix à constituer la municipalité en charge d’un territoire de 2005 ha ou 20,05 km2 où vivent 906 habitants (en 1790) puis 974 habitants en l’an II (1793-1794).
Un rôle communal important : l’État civil.
Aujourdhuy premier de la deuxième décade du deuxième mois de l’ère républicaine (*) à six heures après midi, est comparu au greffe de cette municipalité, en présence du maire et officiers municipaux le citoyen Jean Denis Terredde curé de la commune, et officier public (**) qui a donné aux dits maire et officiers municipaux la démission pure et simple de sa place d’officier public, laquelle démission les dits maire et officiers municipaux ont accepté, et reconnoissent les dits maire et officiers municipaux que ledit citoyen Terredde a déposé au greffe de la ditte commune en leur présence les deux registres de mariage et divorce, avec les deux suppléments secondo, les deux registres de naissances tertio, les deux registres de décès quarto, le registre des publications de mariage et ceux d’opposition aux dits mariage et divorce -pour la présente année mil sept cent quatre vingt treize vieux stile- et enfin les modèles des dits actes en outre tous les registres des naissances mariages et décès depuis mil sept cent jusquà mil sept cent quatre vingt douze inclusivement sans interruption et enfin tous les registres des dittes mariages et décès quil possédoit chez lui dattés avant l’année mil sept cent dont les dits maire et officiers municipaux donnent décharges audit citoyen Terredde par ces présentes, dont le greffier de laditte commune en délivrera expédition audit citoyen Terredde, fait en notre assemblée les dits jours mois et aux susdits ayant signé, a également donné les dits jours mois et aux susdits ledit citoyen Terredde la démission de sa place de notable de laditte commune, que les dits maire et officiers municipaux ont également accepté..
signatures : MIE officier, CLOSSON maire , COLMONT officier, BARIS officier, FOSSE, CANDAS, TERREDE curé, C. LAUDE, BRISSET greffier, VALLET, procureur de la commune. (§)
mention marginale : Cet acte est bon jusqua ce que les dits maire et officiers municipaux ainsi que ledit citoyen Terredde ayant avis du Directoire du District de Rozoy pour savoir si le dit Terredde peut au terme de la loi continuer les dittes fonctions ou si il est obligé de (?) sa démission en vertu des dittes lois ou si il en a le pouvoir] (§§)
(*) 11 brumaire an II, soit 01/11/1793. (**) Officier public parce que jusque là il tenait les registres de ce qu’on appelle maintenant l’État civil. (§) Aucun des élus de 1791 n’est encore en place. (§§) On croit comprendre que la municipalité souhaite que le curé continue à tenir les registres.
- b) LE VILLAGE.
Des descriptions au 19ème s.
« Doue, village, département de Seine-et-Marne, arrondissement de Coulommiers, canton de Rebais, ci-devant province de l’ïle de France, diocèse de Meaux , forme avec 20 hameaux et plusieurs fermes écartées une population de 1000 à 1100 habitants… Ce village avait autrefois une halle sous laquelle se tenait un marché chaque semaine ; actuellement il ne s’y tient plus qu’une foire tous les ans. L’église de Doue est située sur une petite montagne dite la Garenne…. Les principales productions du terroir sont partie en grains, partie en bois. On y fabrique du fromage de Brie qui est assez recherché. Il y a un moulin à eau (*), et dans la butte de la Garenne est une carrière de pierre à chaux avec un four (**)… Sa distance (de Doue) à Paris est de 16 lieues à l’est, par Jouarre et la grande route d’Allemagne (l’ancienne RN 3). On va encore de Doue à Paris par Coulommiers et la grande route qui passe à Lagny (la RN34). Poste aux lettres à Rebais ou à La Ferté-sous-Jouarre. » (*) A Croupet. (**) Où ?, peut-être sur le versant nord. OUDIETTE Charles. Dictionnaire topographique des environs de Paris jusqu’à 20 lieues à la ronde de cette capitale. 2ème édition. 1817. p.216 et 217
« Le village est dans une position des plus riantes, au pied de la montagne et près de la forêt de Jouarre. On y voyait une halle… et un beau château…. Tout cela a été détruit il y a 25 ou 30 ans… Foire tous les ans le 25 novembre.» PASCAL Felix. Histoire topographique, politique, physique et statistique du département de Seine-et-Marne. t.II. 1836. p.56.
Les routes. RD = route départementale.
RÉTHORÉ et THÉVENOT écrivent : « En 1494, Jean JUVENEL des URSINS, seigneur de Doue, prouva en Parlement qu’il jouissait de la voirie appelée le grand chemin de Coulommiers à Château-Thierry depuis les fourches de Loueyse (*) ou de Boissy jusqu’à la Croix-St-Aile. » Si l’on assimile les « fourches de Boissy » au carrefour des routes départementales RD222 et RD37 à Boissy-le-Châtel le Grand chemin en question est celui qui est indiqué sur le plan terrier de 1784 et qui, avec la nomenclature actuelle, entre dans Doue avec la RD37, se prolonge par les rues Champenois et Renoux-Prieux et continue avec la voie communale n°3 (le Château, Saulsoy, etc.) jusqu’à la limite de la commune à Bois-Baudry. Dans Doue la RD37 fait un angle droit devant la mairie en direction de la Ferté-sous-Jouarre. La route départementale RD19 qui vient de l’ex-nationale 3 en dessous de Montceaux-lès-Meaux rejoint la D37 au Monument aux morts et sort de Doue en direction de Rebais. Le village est donc le lieu du croisement entre un axe Nord-Sud (la RD37) et un axe Est-Ouest (la RD19). La légende veut que Jeanne d’ARC ait parcouru le Grand chemin de Coulommiers à Château-Thierry en allant à Reims..(*) Peut-être pour Louis, à cause du bois Louis au nord de Boissy.
La mairie et l’école.
Dans les années 1880, on construit un ensemble de bâtiments en pierre meulière probablement extraite localement. Au milieu se trouve la mairie qui comprend à l’étage une grande salle pour la réunion du Conseil municipal et où l’on célèbre les mariages ; elle est flanquée vers l’arrière par deux petites pièces. Au rez-de chaussée, de part et d’autre de l’escalier il y un garage, l’un pour le corbillard, l’autre pour la pompe à incendie tirés tous deux par un cheval. A gauche de la mairie se trouve la classe des garçons et à l’extrémité de ce côté un bâtiment à étage qui est le logement d’un couple d’instituteurs. A droite il y a la classe des filles ; le bâtiment d’extrémité comprend en bas une classe pour les petits garçons et filles et à l’étage pour un logement pour une institutrice supposée être célibataire. Cette situation originelle était encore, (sauf pour la répartition garçons/filles) en gros, celle du début des années 1990.
Divers facteurs poussèrent la municipalité conduite par le maire Louis MERCIER à envisager des modifications profondes (pèle-mêle : un manque de classes pour l’ensemble Doue/St-Germain-sous-Doue, qui se traduisait par l’emploi d’une classe préfabriquée à Doue ; une répartition illogique des élèves entre les deux communes ; la nécessité d’améliorer les conditions de travail des élus et de la secrétaire de mairie ; le besoin d’un bureau pour le directeur d’école et d’une cantine, etc.). Un Syndicat scolaire fut mis sur pied entre les deux communes avec un objectif, installer tous les élèves de primaire à Doue et ceux de maternelle à St-Germain. On lança en priorité l’agrandissement de l’école de Doue en construisant 3 classes aux normes de l’époque (55 m2 par classe si ma mémoire est bonne) ce qui, avec les anciennes classes de filles et garçons, permettait d’avoir 5 classes, une par niveau pour le primaire. Cette organisation autorisait la récupération de la petite classe et du petit logement (il n’était plus attribué) ; la classe fut transformée en bureau pour le secrétariat et le logement en bureaux pour le maire (qui jusque là n’en n’avait pas) et les adjoints. On ajouta à l’ensemble un bureau pour le directeur et une salle de repas et le tout fut inauguré le 25/06/1994. Le fête fut d’autant plus belle que l’on honorait en même temps le départ en retraite de Mme et Mr LOURMAN, qui étaient instituteurs à Doue depuis 28 ans.
Le monument aux morts.
Le 28/03/1920, le Conseil municipal réuni en session extraordinaire décide l’érection d’un monument aux morts de la commune pendant la guerre 1914-1918. Le monument sera installé au portique des pompiers (*) à l’intersection des R37 et R19. Trois conseillers sont chargés de faire effectuer des devis. Le 22/08/1920, pour dégager la vue sur le futur monument, le Conseil municipal décide de faire abattre quatre arbres qui bordent les deux routes près du carrefour (**). Le 16/09/1920, le Conseil municipal réuni en session extraordinaire, après examen de divers projets choisit l’entrepreneur ; il s’agit d’un marbrier de Paris. Le devis est de 10.000 francs. Le 21/11/1920, le Conseil municipal constate que la commune dispose d’une part d’une somme de 4500 francs « inscrite au budjet additionnel » et d’autre part de 5500 francs provenant d’une souscription, c’est-à-dire au total du montant du devis et demande que les travaux soient faits dans les plus brefs délais. Le 02/06/1921, le Conseil municipal décide que l’inauguration du monument aura lieu le 26 juin 1921. Cinq élus sont désignés pour la préparation de l’inauguration et quatre autres pour la surveillance ; la Société musicale de St-Cyr sera présente. (*) Les pompiers étaient communaux ; ils disposaient d’une pompe à incendie et d’un portique pour s’entraîner physiquement. (**) Les cartes postales de l’époque montrent que les deux routes départementales étaient bordées de platanes au moins à l’entrée de Doue.
Les noms de rue.
Rue Champenois : un M. Champenois a fait un legs à la commune. Rue du Général d’Harville : dernier seigneur de Doue et général de la Révolution et de l’Empire. Rue Mme Renoux-Prieux : ? Rue de la Croissette : référence probable à l’ancienne croix qui se trouve au bout de la rue près de la départementale ; on note que le lieu-dit Les petits sablons de la Crossette qui apparaît dans le terrier de 1784 et est encore dans le cadastre de 1960, désigne le quartier où est la croix . Rue du Pont de Pierre : Le terrier de 1784 en fait état ce qui indique l’ancienneté du pont; BAILLY p.87 y signale qu’il y passait une voie romaine. Le bout-d’en-bas : Lieu-dit au croisement des rues de la Croissette et du Pont de Pierre. Le bout-d’en-haut : Lieu-dit en haut de la rue du Général d’Harville.
La salle polyvalente
L’évêché de Meaux était propriétaire d’un ensemble de bâtiments, rue de l’Église. L’immeuble perpendiculaire à la rue était un orphelinat et fut ensuite une colonie de vacances. La commune l’a acheté quand il n’eut plus d’utilité pour l’évêché. C’est là qu’on installa la première salle des fêtes. Dans les années 1990, il paru nécessaire de rénover la salle des fêtes et d’y adjoindre une salle de sports et un vestiaire pour les sportifs. La décision fut prise de rebâtir la salle des fêtes sur les fondations de l’ancien édifice, le restant étant une construction neuve. Un des points importants était que l’architecte des bâtiments de France demandait que le mur en mauvais état qui ferme la propriété du côté du terrain de football soit conservé ; il en résulta beaucoup de discutions pour faire ce qui était demandé au moindre coût. Un autre point concernait l’usage de la salle des fêtes ;
l’architecte chargé du projet, à mon avis en tant qu’adjoint au maire, avait un peu tendance à voir grand et cher. Je lui dit un jour qu’il fallait tenir compte d’une rentabilité et donc limiter les dépenses. Il me rétorqua qu’une salle des fêtes n’avait pas à être rentable. Cette anecdote me permet de faire quelques réflexions sur le sujet. D’abord une telle salle, qu’on l’appelle salle des fêtes ou salle polyvalente ou salle communale, voire maison du peuple, est nécessaire pour qu’à toutes sortes d’occasion la population locale puisse se retrouver. Dans l’Ancien régime l’église tenaît ce rôle et l’on a vu qu’à Doue la première élection s’y est déroulée. Il faut évidemment être raisonnable en choisissant le niveau de population à partir duquel on construit un tel bâtiment ainsi que les dimensions qu’on lui donne. La question suivante est qui paie ? Les moyens propres de nos petites communes ne permettent généralement pas de couvrir les frais d’une telle construction ; les échelons supérieurs, département et région mettent donc en place un système de subventions qui, à l’époque en cause, représentait 80 % de la dépense. C’est un geste de solidarité de l’ensemble des autres communes de la région ; il est bon d’y penser et cela me ramène à la rentabilité. Cette salle coûtera, plus ou moins, en frais d’exploitation et d’entretien et il est bon que ces frais soient payés par les utilisateurs plutôt que par les contribuables qui ont déjà mis la main à la poche pour la construction.
Il me reste un souvenir de cette salle des fêtes. Il arriva qu’une grande unité de l’Armée de terre (probablement une brigade soit 5000 hommes) demanda à utiliser notre salle pour un exercice. Il était question de peut-être une cinquantaine de soldats qui avaient besoin d’un local pour déclencher et suivre les opérations à l’aide des moyens de suivis et de transmissions actuelles. Les quelques vehicules pouvaient être garés dans le pré près du terrain de football. La municipalité était d’accord pour la mise à disposition moyennant une contribution faible par rapport au nombre de personnes et à la durée (une semaine je pense). Les militaires rechignèrent mais finirent par accepter de payer en pensant probablement qu’ils seraient bien logés. Hélas, ils étaient là depuis quelques heures, quand on me prévient que les toilettes sont bouchées ! Il fallut plusieurs heures à une pelleteuse pour dégager le regard de la fosse septique qui avait été malencontreusement caché par un massif, puis pour vidanger la fosse. On découvrit alors que les tuyaux d’évacuation étaient bouchés par une quantité de feuilles de papier destiné à l’écriture.
- c) LES HAMEAUX ET LIEUX-DITS HABITÉS.
VC = Voie communale.
BAILLARD : Baillehart au 14ème s. ; Bailhard pour la carte de Cassini du 18 ème s. et la carte d’état-major de 1932 ; Bayard sur la carte d’état-major de 1820. L’étymologie de SCHELSTRAETE (baille = piquet, et hard = dur est possible), en effet CELLARD écrit : « hard, fort, dur (allemand hart, anglais hard) surtout fréquent en second élément. » C’est un terme d’origine germanique et donc apparu du 5ème au 7ème s. Avec ce même hard une autre étymologie est possible, à savoir que Bailhard peu être le nom d’un personnage, comme Bernard qu’on a écrit pendant longtemps Bernhard. Il y a 7 maisons et 27 habitants en 1886. De Doue à Baillard par la RD19. Baillard-le Taillis parla VC 14.
BOIS-BAUDRY : Pour BAILLY p.92 c’était Boscus Baudri en 1252, c’est à dire le bois d’un certain Baudri, qui d’après CELLARD vient de bald (audacieux) et ric (roi) ; le personnage est d’origine germanique et le nom du hameau date de la période 5ème/7ème s. Le hameau est partagé entre la commune de Doue (côté ouest) et la Trétoire (côté est). Doue à Bois-Baudry la VC3 ; à cause de l’éloignement (5 km) il y avait jadis une école à classe unique à Bois-Baudry.
BUTHEIL : Buetel en 1595 d’après BAILLY p.154, qui propose comme étymologie bu = bois et theil = tilleul ; d’après LITTRÉ tilleul vient du bas latin titiola qui a donné tilia puis teill et teil. SCHELSTRATE donne les anciennes orthographes buttel et buettet et dit bu = résidence. 9 maisons et 26 habitants en 1886. Doue vers ce hameau par la VC3 et embranchement VC9 vers Mélarchez.
La CHEVRIE : La Chevry sur la carte de Cassini et la Chévrie pour THEVENOT. L’étymologie (populaire ?) en fait un lieu où l’on élevait des chèvres. Dans Chev… on peut aussi voir le terme Chef d’où peut-être Chefferie puis Cheverie, que SCHLESTRATE donne comme ancienne orthographe. 2 maisons et 9 habitants en 1886. Doue-la Chevrie par RD37 vers la Ferté puis VC 11.
Les CHAISES : Du latin casa, maison. Origine gallo-romaine ; l’exemple le plus célèbre est l’abbaye de la Chaise-Dieu en Haute-Loire (la Maison de Dieu). 9 maisons et 28 habitants en 1886. Doue vers les Chaises par RD37 vers la Ferté, le hameau est sur une VC qui, d’après THEVENOT, était une voie romaine .
Le CHÂTEAU : D’après LITTRÉ chastels en vieux français, d’où l’accent circonflexe sur le A ; le hameau a gardé le nom de la demeure signeuriale démolie au 19ème s.; il y avait 3 maisons et 24 habitants en 1886. Doue-le Château par la VC3. En 1544 il y avait le « chastel, place et maison forte de Doue, fermé de fossés » SCHELSTRAETE p.46. Selon le même auteur au 17ème s. on commence à construire à la place « une splendide demeure d’après les plans de MANSART. » p.51. Le château est terminé vers 1720.
Le «château est vaste et d’une belle construction faite depuis plus d’un siècle, sur la forme de la lettre H, lettre initiale du nom de son propriétaire. Il était précédemment flanqué de tours et entouré de fossés. Les longues avenues qui conduisent à la grille, les avant-cours, les jardins et le parc de plus de 60 ha avaient été dessinés par Le NÔTRE, et présentaient toutes les régularités, mais depuis on a donné à cet ensemble, en variant les sites, tout ce qui pouvait rendre ce lieu plus gai et plus salubre. A des bosquets touffus ont succédé de hautes futaies, puis de vastes prairies plantées d’arbres fruitiers. Elles servent de pâture à des bestiaux de différentes espèces, notamment à des poulains et des juments poulinières de diverses races. Cette réunion d’animaux utiles anime ce tableau et ajoute à l’agrément de cette propriété. » OUDIETTE Charles. Dictionnaire topographique des environs de Paris jusqu’à 20 lieues à la ronde de cette capitale. 2ème édition. 1817. p.216 et 217.
On lit dans l’affiche de la vente aux enchères en 1817 : « Un corps de bâtiment simple en profondeur, avec une aile de chaque côté, précédé d’une cour d’honneur et d’une avant-court ; il est élevé d’un rez-de-chaussée sur étage de souterrain… Le rez-de-chaussée consiste en plusieurs appartements de maître, grande et belle galerie et une salle de billard. Ces appartements sont décorés de menuiseries et de glaces. Deux escaliers communiquent au premier étage où se trouvent un grand nombre d’appartements de maître… Au-dessus est un étage en mansardes où sont plusieurs petits appartements et les chambres de domestiques…» Suit la description des dépendances dont une orangerie, du parc où se trouve une machine hydraulique pour la distribution de l’eau au château et de diverses parcelles en potager, prairie, plantation, et enfin d’une pièce d’eau. .
Les COURS : Lieu-dit au Petit Saulsoy. D’après LITTRÉ le latin cohors (enclos) a donné le bas-latin curtis (enclos, ferme) puis cors et enfin cour (domaine rural). Il y avait 2 maisons et 4 habitants en 1886. A partir de Doue par la VC3, puis VC12..
CROUPET : Cropet en 1222 d’après BAILLY. Croppet au 13ème s., d’après BAZIN. Jadis on disait plutôt le Croupet. Le diminutif de croupe, au sens d’une surélévation de terrain, a donné le nom au hameau. C’est là que les rus de Fosse-Rognon et de la Motte se rejoignent ; le débit était suffisant pour actionner un moulin mû par une roue à aubes et qui, d’après SCHELSTRAETE a fonctionné jusque vers 1880. Avec 43 maisons et 148 habitants c’était le plus gros hameau de la commune en 1886; c’est encore le cas. Doue-Croupet par la RD37 puis par la VC8, qui est devenue la RD37A.
Les FOSSES : Le terme fosse désigne un creux d’origine naturelle ou fait par l’homme ; il peut contenir de l’eau et c’est alors plutôt un fossé. Il n’y a pas de raison de penser que des travaux entraînant une modification du terrain ont été faits anciennement dans ce hameau, par contre le ru de l’Étang de la Motte passe là et c’est vraisemblablement l’origine du nom qui date du Moyen Age. En 1886, il y avait 6 maisons et 19 habitants. De Doue aux Fosses par la RD19.
La HUCHETTE : Ancienne maison isolée maintenant disparue. Elle se trouvait dans l’angle aigu formé par les R37 et RD 202. Inconnue de THEVENOT. L’origine du mot peut être hucher (à la chasse, appeler ou crier) si cette maison a servi de rendez-vous de chasse.
La LOGE : Pour LITTRÉ, un mot germanique qui a donné l’allemand Laube, feuillée ou ramée, a été latinisé en laubia et lobia d’où loge. A l’origine, c’est une hutte faite de branchages pour une habitation provisoire. Les charbonniers, contraints d’habiter en forêt pour surveiller les meules à charbon de bois, y construisaient des loges en branchages recouverts de terre. De ce fait ce toponyme se rencontre généralement près des bois ; c’est le cas ici et on a aussi les Loges de l’autre côté des bois près du carrefour de Jehan de Brie. BAZIN (voir l’hydrographie) écrit p. 39 : « Nous donnons un spécimen (de meule de moulin à blé) trouvé dans les ruines de la villa gallo-romaine de la Loge de Doue » 1 maison et 9 habitants en 1886. Doue-la Loge par la RD19.
Les MAISONS-BRÛLÉES : Pour THEVENOT ce hameau fait partie du village. Le nom est très explicite mais on ne sait pas à quelle date s’est produite la catastrophe.
MAUROY : Deux étymologies sont proposées : BAILLY p.73 indique l’orthographe le Morois en 1265, qu’il assimile à marais (p.74 : more = mot indo-européen signifiant marais, d’où le Grand et le Petit Morin qui prennent leur source dans une région marécageuse). Pour SCHELSTRAETE c’est la présence de Maures auxiliaires de l’armée romaine qui aurait fait donner ce nom au hameau : en 1787 le géomètre de l’Election de Coulommiers écrit Moroy. On y trouvait 13 maisons en 1886 avec 49 habitants. Doue-Mauroy par RD37.
MÉLARCHEZ : Melarchet sur la carte de CASSINI. La présence de deux sons é rend ce toponyme différent des autres et cela se voit dans les 4 propositions étymologiques de SCHELSTRAETE ; j’en retiens celle qui conduit à l’existence d’un pont car elle est confortée par BAILLY qui indique p.278 : « Mesum Archerie en 1154 » et suggère un pont à cause de l’arc ; le mel–– ou mes–– reste mystérieux pour moi. En 1886 on compte 18 maisons et 42 habitants . A Doue prendre le VC3 et le VC9 à partir du Raincy.
Les NEUILLIS : les Nulys en 1620, les Neiullys au 19ème s. Pour le dictionnaire de TREVOUX, 1752, Neuilli vient du latin nobiliacum, et d’après BAILLY p.151, il signifie nouveau ; il s’agit donc d’un hameau nouveau créé au 11ème s. d’après THEVENOT. Il a 8 maisons en 1886 et 23 habitants. Ce hameau est particulier : 1° C’est le seul d’où on ne voit pas la butte à cause de sa situation dans la pente de la vallée du Petit Morin (route de Bois-Baudry altitude 178 m, les Neuillis 163 m) . 2° Au 18ème s., le hameau et les terres qui l’entourent ne font pas strictement partie de la seigneurie de Doue ; dans le plan terrier 15 arpents + 16 perches (7,7 ha) sont classés « domaine féodal » et appartiennent aux MONTMORENCY, grande famille ducale. Cette particularité se remarque sur le plan de la commune car le hameau se trouve dans une excroissance rectangulaire. Doue-les Neuillis par les VC3 et 6.
PADOUE : Lieu-dit avec une seule maison située dans l’angle aigu des RD37 et RD37A vers Croupet. L’étymologie populaire dit que cette maison se trouve à «un pas de Doue», d’où le nom. Une autre possibilité est qu’il s’agisse, comme le dit BAILLY, d’un toponyme transporté : quelqu’un a fait construire ou a acheté une maison et lui a donné le nom d’un lieu qu’il a apprécié, dont il est nostalgique, où il a combattu, etc. ; c’est donc un toponyme qui fait référence à l’histoire d’une personne. Ici ce serait Padoue, Padova, ville de Venetie. On comptait au Padoue briard 5 habitants en 1886.
Le PLESSIER : D’après LITTRÉ le plessis (du latin plectitius de plectere, plier) est une clôture formée de branches entrelacées, d’où plessier = un lieu clos par des branches entrelacées. 5 maisons et 17 habitants en 1886. On y va par la RD37 et la VC11.
Le PONCET : Ancien hameau, complètement disparu. « Le Poncet… petit domaine seigneurial situé dans la paroisse de Doue, près du chemin conduisant à l’Orme des Croissettes, avait été donné aux Templiers vers le milieu du 12ème s… La maison du Poncet, –domum de Poncello-, nommée aussi Maison de Doue comprenait en 1312 une vingtaine d’arpents (#10 ha) de terre, mais ce qui faisait son principal revenu c’était la dîme de Doue et de St-Germain-sous-Doue… On enfermait le produit de ces dîmes (50 muids de grain(*)) dans une grange appelée la grange de molierain (de meulière)… En 1757 la maison et la grange n’existaient plus.» templierscroisades.free.fr. On retrouve l’emplacement de ce domaine dans le terrier de 1784 avec la parcelle Champ de la Grange du Ponced ,qui existe encore dans le cadastre de 1960, Grange du Poncet. A partir de Doue, on y accède par la rue de la Grange prolongée vers le sud par un chemin rural qui passe le ru de Fosse-Rognon et traverse la VC 14 du Taillis à Croupet. (*) Muid de Paris = 1,824 m3, d’où 50×1,834 = 91,2 m3 ; masse spécifique du blé 800 kg/m3, d’où 91,2×800 = 72.960 kg.
Le RAINCY : Lieu-dit avec une seule maison située au carrefour des VC 3 et 9. A l’époque gallo-romaine, «selon les dialectes le suffixe —acus a abouti à des résultats très divers… —y (en Ile-de-France)… Le suffixe s’ajoute à des noms de personne désignant le possesseur du domaine. » ROSTAING p.49. C’est l’étymologie que je propose. Pour le nom du personnage il se peut que ce soit « Ragin qui est à l’origine de très nombreux patronymes et prénoms. » CELLARD p.53 ; le même auteur indique que Ragin a donné des Rein— et des Rain—. En 1886 il y avait 4 habitants.
Le RAPPEL : Lieu-dit avec une seule maison située sur la RD37 à côté du pont sur le Fosse-Rognon. Comme on l’a suggéré pour Padoue, il est vraisemblabe que ce nom a été choisi comme un élément de l’histoire de l’un des anciens propriétaires. Jadis le terme retour a signifié autorisation de retour donnée à un exilé ; c’est une piste. En 1886 il y avait là 5 habitants.
Grand et Petit SAUSSOY : Jusqu’à la fin du 19ème s. et encore sur la carte d’état-major de 1932, on écrivait Saulsoy. Etymologiquement il s’agit d’un lieu où poussaient des saules (d’après LITTRÉ dérivé de l’ancien haut allemand salaha). En 1886 il y avait 7 maisons et 27 habitants au Grand Saussoy et 11 maisons et 42 habitants au Petit Saussoy (le Petit est plus grand que le Grand !) . Accès à partir de Doue par la VC3.
SOLFÉRINO : Lieu-dit avec une seule maison située sur la RD202 au carrefour avec la VC3. Il s’agit clairement d’un nom lié à l’histoire : l’un des propriétaires a assisté à la bataille de Solférino, village de Lombardie, le 24/06/1859. Il y avait 5 habitants en 1886.
Le TAILLIS : On peut donner deux sens à ce nom, soit on retient qu’on y a taillé (des arbres) : c’est alors un lieu de défrichement comme le pense BAILLY p.151, soit c’était un bois que l’on a exploité avec des coupes à dates régulières. 7 maisons et 37 habitants en 1886. Doue-Le Taillis par la VC4. La VC14 de Baillard à Croupet y passe.
TOURNEBRIDE : Lieu-dit ; une seule maison. Ancienne dépendance du château où étaient logés les serviteurs et les attelages des invités. Probablement construit au 17ème s., sur plans de MANSARD.
VILLERS : Le latin villa, maison de campagne, ferme, a donné l’adjectif villaris (de la campagne) à partir duquel les Gallo-romains ont formé tous les toponymes en Vill—. Villiers sur la carte de CASSINI. 3 maisons en 1886 avec 13 habitants. De Doue à Villers par RD37 et VC.
REMARQUES.
Le nombre de lieux habités montre que la population de la commune occupe pleinementle terrain en laissant toutefois deux zones de grande plaine réservées uniquement à l’agriculture : 1) tout ce qui est à l’ouest du ru de l’Étang de la Motte jusqu’aux bois ; 2) à l’est le polygone défini par la Château, les Chaises, Mauroy, les Neuillis et les deux Saussoy.
Par ailleurs on constate un axe de population qui part de Croupet, passe par le village et se continue avec la VC3 par le Château, Butheil, Petit et Grand Saussoy, Bois-Baudry. En 1886, il y avait le long de cet axe 677 habitants, soit un tout petit peu moins de 70 % de la population de la commune. On peut y voir les conséquences à long terme de l’établissement du « Grand chemin de Coulommiers à Château-Thierry », qui empruntait justement cet axe.
- d) LES LIEUX-DITS NON HABITÉS.
‘ai eu accès à 4 relevés de la géographie communale : le Terrier de 1784, le cadastre de 1843, le cadastre de 1847 et le cadastre de 1960. Chacun de ces documents cite les lieux-dits qui sont pour la plupart des lieux d’exploitation agricole. Au 18ème s., la propriété agricole était extrêmement morcelée et logiquement les lieux-dits du Terrier sont très nombreux; j’en ai compté 243 répartis dans 26 feuilles. Le cadastre de 1813 est fondé sur un autre découpage, plus grossier (9 feuilles) avec (seulement !) 154 lieux-dits. En 1847 on reprend un découpage plus fin, comme ce sera le cas en 1960 (22 feuilles, 183 lieux-dits). Il n’est pas question de reprendre ici tous ces lieux-dits; je n’ai retenu que ceux qui sont intéressants pour leur intitulé ou pour leur aspect documentaire ou historique. Chaque citation comporte la date du document (1784 pour le Terrier) et la feuille où l’on retrouve cette citation.
Sources :
BAILLY Paul. Toponymie de Seine-et-Marne. Éditions Amatteis. 1989.
GRANDSAIGNES d’HAUTERIVE. Dictionnaire d’ancien français. Larousse. 1948.
GREIMAS Dictionnaire de l’ancien français. Le moyen age. Larousse. 1994.
LACURNE de SAINTE-PALAYE. Dictionnaire historique de l’ancien français depuis son origine jusqu’au siècle d LOUIS XIV.. Ed. 1876.
LITTRÉ Émile. 1872.
THÉVENOT M. F. Géographie historique de la commune de Doue. Coulommiers. 1883.
TRÉVOUX Dictionnaire universel français latin. 1743/1752.
VIAL Éric. Les noms de villes et villages de France. Belin. 1983.
ANIMAUX : BELETTE(s) (prés aux) 1784 J; 1960 D3…..BICHE(s) (la fosse aux) 1784 s; 1960 A4…..GAY (champ du) 1784 M; au 16ème s. pour Geai, d’après LITTRÉ…..GENÊTE (petite) 1784 Y; GENETTE (la petite) 1960 G2 “Genette. Genre de mammifères carnivores digitigrades.” LITTRÉ…..LIÉVRETIN(s) (champ des) 1784 U, petit lièvre…..RÂLLE(s) (puits aux) 1784 O, pour Râle, sorte d’échassier…..RENARD (Champ du) 1803 H; semble être une modification de REGNARD (Champ) 1784 T; Regnard = nom d’une personne.
ARPENT (s) (Les quatre) 1784 Q : 100 perches faisaient un arpent qui vaut 51,07 ares ou 510,7 m2. Donc ici c’est un un terrain de 2,04 ha. « L’arpent arepennis (*) est un carré déterminé par la longueur du sillon (**) au bout duquel on retourne l’attelage, en tournant la tête, pennis (*) des boeufs. » LOT F. La Gaule. Chez Fayard 1947.(*) termes gaulois). (**) La longueur du sillon est égale à la racine carrée 510,7, soit 22,6 m..
BARBETERIE (La) 1784 Z : D’après LITTRÉ le bas-latin berbix a donné barbis puis le français brebis ; c’est donc possiblement un synonyme de bergerie.
BARRE (Champ de la barre près Croupet) 1784 D; 1960 G5 : « Barre. Anciennement clôture ». GRANDSAIGNES.
BARRETAUDE(s) (Les) 1784 R : Peut-être une personne qui trompe ou qui vole à cause de bareter = tromper, voler; d’après GRANDSAIGNES.
BOULIN(s) (Vente des) 1784 AB : “Boulins. Pièces de bois qui soutiennent les planches d’un échaffaudage.” LITTRÉ. On peut penser que la Vente des boulins est une partie de la forêt (voir vente) d’où l’on peut tirer des boulins.
BOULLOIS(Champ du) 1784 V; BOULOY 1813 I; BOULOIS 1960 G1 : Ancienne orthographe de bouleau, d’après VIAL p.52.
BOUTIQUE (Pré de la) 1847 F4; 1960 F1 : Un des sens anciens de boutique est l’atelier d’un artisan
BROSSES (Rue des) 1784 E; 1960 E2 : « Brosses. Bruyère, broussailles, terre inculte. » LITTRÉ.
BRUYÈRE(s) (Champ des) 1784 O : Terrain où poussaient des bruyères avant qu’on ne le défriche.
BUCHOY (Champ de, du) 1784 T; 1960 B1 : Deux hypothèses. 1) Bûcher qui est le terme le plus proche (jusqu’au 18ème s., oi se prononçait ai) mais est peu convainquant. 2) Bois de petite étendue qui s’écrivait boschois au 16ème s.
BUISSONNED ou T (Champ du) 1784 T; 1960 B2 : Terrain où se trouvaient des buissons avant qu’il ne soit défriché.
CHAILLOD 1784 Z : “Chailloil/lou, forme pritive de caillou.” GRANDSAIGNES. C’est donc un terrain caillouteux
CHAMPEAUX (Les)1784 I; 1960 D3 : “pl. Prés, prairies. La locution entière est prés champeaux, prés des champs par opposition aux prés de rivière.” LITTRÉ.
CHARIÈRE (Martin d’en haut, Martin d’en bas) 1784 Y; CHARRIÈRE 1960 G2 : “Voie par laquelle peut passer un char, une charrette.” LITTRÉ.
CHÊNE DU SANG 1784 E; 1960 E2 : Près de Croupet, lieu où a dû se dérouler un crime sanglant.
CHENEVIÈRE(s) (de Butheil) 1784 J; 1813 F 1847 D7 : D’après chenevis, graine du chanvre, lieu où l’on cultive cette plante.
CLOZEAU (Champ du) 1784 E; 1960 CLOSEAU F1 : « Petit pré. » LITTRÉ. Plus anciennement « Petit jardin de paysan qui est clos de haies. » TRÉVOUX.
CORNÉE (Champ de la) 1784 X; 1960 F3. Pour corne, terrain en coin.
COUR (des marais) 1784 Y; 1960 G2 : D’après LITTRÉ le bas-latin curtis, cortis a donné cour ou court (nom) avec le sens de domaine rural ou ferme.
COURTIL (Bernard) 1847 E5 : Même origine que cour. “Petit jardin attenant à une maison de paysan.” LITTRÉ. Bernard = nom d’une personne.
CROCHE(s) (Champ aux) 1784 P : “Préceltique croccu, ressaut du terrain.” BAILLY p.30.
CROIX (Rue allant à la Croix des deux Ormeaux) 1784 F : Croisement; il est ici repéré par la présence de deux arbres. Rue : ici pour chemin.
CROIX SAINT AILE 1784 S; 1960 A4 : Lieu-dit près de la RD 202 où, vers l’an mil, s’est déroulé un miracle. Il s’y trouve une croix en fer forgé.
CROSSETTE (Petits sablons de la) 1784 B; 1960 F2 : Croisement ou petite croix (ce lieu dit est près de la croix en fer forgé qui est au bout de la rue Champenois)..
ENTONNOIR : ANTONNOIR (Champ de l’)1784 J ; LANTONNOIR 1813 F; ENTONNOIR(E) (Champ de l’) 1847 D8 : Champ où le terrain présente une forte dépression.
ESSARD(s) (de Bailhard) 1784 H; 1960 ESSART E1 : “Essart. Champ qui était en friche et couvert de bois, et qui est défriché et prêt à être mis en culture.” LITTRÉ.
FAMINE (Champ de) 1784 R : Un champ qui ne nourrit pas son propriétaire !!
.
FER(s)(Rue aux) 1784 N; (Chemin des) 1960 C2 : Au Moyen Age ce genre d’appellation désignait un chemin dont le sol avait été renforcé par des scories provenant d’un atelier de fabrication du fer situé dans les environs; le Champ de la Forge à Croupet a-t-il été le siège d’un de ses ateliers ?
FIEF (des Neuilly) 1813 B : “Fief. Terme de féodalité. Domaine noble, relevant du seigneur d’un autre domaine, concédé sous condition de foi et hommage et assujeti à certains services et certaines redevances.” LITTRÉ.
FLACHE (Pré Gatinod dit la) 1784 H; 1960 E1 : “Flache. 14ème/16ème s. Flaque d’eau.” GRANDSAIGNES. C’est donc un terrain argileux qui retient l’eau. Gatinod = nom d’une personne.
FOIRET (Champ du) 1784 B, 1960 F2 : Peut-être le champ où avait lieu la foire ?
FOLIE (La) 1784 J; 1960 D3 : Terrain acheté par caprice ou qu’il n’est pas raisonable de cultiver ?
FORGE (Champ de la) 1784 E; 1960 F1 : Près de Croupet, ce terme indique l’ancienne présence d’une forge, dont le soufflet aurait pu être actionné par une roue sur le ru de l’Étang de la Motte.
FOUR (Champ du four) 1784 I; 1960 D2 : Ce terme indique l’ancienne présence d’un four; compte tenu de l’endroit on peut penser à un four à tuiles (THEVENOT signale des restes de tuiles romaines dans plusieurs endroits de la commune).
FOURCHERET(s) (Les) : 1847 B7; 1960 B2 : “Fourcheret. Autour (oiseau de proie) de moyenne taille.” LITTRÉ.
GAIN (Le) 1847 B5; 1960 B2 : D’après LITTRÉ, gain (qui vient du germanique weida, pâturage) a pour premier sens herbe de pâturage; ce terrain était anciennement un pré.
GARENNE 1784 A : Lieu-dit sur la butte du côté du Château. « Lieu particulier près du château que le seigneur faisait garder avec plus de soin. » LITTRÉ.
GENS D’ÉGLISE…..CHEVALIER(s) (Pré des) 1784 H; ici il s’agit des Templiers.….CLERC(s) (Champ aux) 1784 F; 1960 E2…..MOINE(s) (Champ aux) 1784 P…..PRÊTRE(s) (Fontaine aux) 1784 B.
GOUGE (Bois de la) 1784 K: 1960 D2 : “Gouge. Femme ou fille avec un sens familier et parfois de dénigrement”. LITTRÉ.
GOUR (Le pré du) 1847 B6 : D’après GRANDSAIGNES, gourre = truie; c’est une possibilité.
GRAVIER (Le) 1784 H : Ce terrain se trouve près du ru, qui y a probablement déposé du sable et des petits cailloux.
GUILLARDE(s) 1784 R : D’après LACURNE guille = tromperie, donc peut-être personne(s) qui trompent
HANTE (Champ de la) 1784 J; 1960 D3. ANTE(s) (Champ sous les) 1784 K; 1960 D3 : Deux hypothèses 1) D’après GREIMAS, hanter signifie habiter, fréquenter; d’où hante = habitation. 2) D’après TRÉVOUX, hante = vieux mot pour hampe. Pourquoi des hampes dans la plaine ?
HAYE Branger 1784 I; HAIE Branger 1960 D1 : Terrain anciennement entouré par une haie. Branger = nom de personne.
HEURT (des carrières) 1784 Q; HEURD (Vente du grand) 1784 AB : “Eminence” LACURNE .
HUTEREAUX (Les) 1784 I : On peut voir là un dérivé de hutte qu’on a écrit anciennement hute..
JACHÈRE(s) (Champ des deux) 1784 F : “État d’une terre labourable qu’on n’a pas ensemencée à l’effet de la laisser reposer.” LITTRÉ. La jachère durait habituellement un an; s’agit-il ici d’une jachère de deux ans ?
JONC(s) (Le pré aux) 1847 B1 : Pré humide où poussent des joncs.
LADRE(s) (Maison aux) 1784 O : “Ladre. Malade atteint et affecté de lèpre.” TRÉVOUX. Cette maison était isolée dans la plaine au nord-ouest de Grand Saussoy. La grille de la porte de l’église permettait aux lépreux d’assister à la messe sans y entrer. Appellation très ancienne, la maison n’est plus là depuis longtemps.
MALINGRE (Pré de) 1784 R : “Malingre. Qui est de complexion faible.” LITTRÉ. Ce pré donnait peu d’herbe.
MARCHAIS (sous le grand fossé) 1784 C : D’après VIAL, marchais vient du bas latin marcassium, marais.
MARÉCHALE (Étang de la) 1784 Z (en eau); 1847 G2 (en eau); 1960 G2 (terrain) : BAILLY propose : de la maréchale = “du marais avec attraction fréquente de maréchal.” p.79.
MARGAT (Champ du) 1784 Z; 1960 G2 : “Celtique margats, vieux français : margoiller, rouler dans la boue.” BAILLY p.73. C’est donc un champ boueux.
MOTTE (La raie sous la) 1784 X; 1960 F3 : “Motte. Butte, éminence faite de main d’homme ou par la nature.” Il s’agit de la même butte qui a donné son nom au ru de l’Étang de la Motte (voir ci-dessus les rus).
NOÜE Gonet 1784 G; 1960 E1 : Tréma comme sur Doüe; voir ci-dessus NOUE dans Lieux dits humides. Gonet = nom d’une personne.
NOUETTE (Prés de la) 1784 G; 1960 E2 : Petite noue.
NOVALLE(s) (Champ des) 1784 Z; NOVALE/NONVALE 1960 B2 : “Novale. Terre nouvellement défrichée.” LITTRÉ. Nonvale est une variante qui ne correspond pas à l’étymologie (novus, neuf).
ORGÈRE(s) (Les) 1813 H : Terrain où l’on cultive de l’orge.
OUCHE(s) (de Bailhard) 1784 H; 1960 E1 : “Ouche. Terrain voisin de la maison et planté d’arbres fruitiers.” LITTRÉ. Pour d’autres dictionnaires le terrain est également clos.
PARADIS (Le) 1784 R; 1960 A1 : D’après LITTRÉ, du latin paradisus, jardin. D’après BAILLY c’est souvent un lieu exposé au soleil.
PARNISSIRED ou T (Prés du) 1784 R; 1960 A1 : Ce nom a-t-il à voir avec le Parnasse, mont réservé à Apollon et aux Muses ?
PÂTURETTE (La) 1847 C4 : Un pré.
PENDÜE (Champ de la) 1784 T; PENDUE 1847 C1 : Champ où s’est déroulé un drame.
PETIT PARIS (Chemin de Champ-la-Dame au) 1847 E4 : Lieu-dit sur la rive gauche du ru des Avenelles à la limite des communes de Doue et de St-Germain. Champ-la-Dame = hameau de Chauffry sur la RD222. Ce chemin est visible sur la carte IGN 2514 est. Il est peu probable que ce lieu-dit qui semble avoir été un hameau ait été nommé en référence à la capitale. On trouve dans GRANDSAIGNES : pareis, paradis, terme qui vient de paradisus, jardin. Ce me semble être une bonne origine pour le Paris du Petit Paris.
PLACE NOIRE 1784 I : La fabrication du charbon de bois laissait la trace de la meule sous la forme d’un disque noir; cette hypothèse est vraisemblable car l’endroit où l’on installait la meule s’appelait la place à fourneau.
PLAIDOYER (Le) 1784 J : Nom donné par un propriétaire qui a été obligé de se défendre devant un tribunal ?
PRÉE (Pont de la) 1784 I; 1960 C1 : Ancienne orthographe pour pré au féminin.
PREY (Champ du) 1784 D; 1960 F1 : Ancienne orthographe pour pré d’après VIAL.
RAYE (Champ de la) 1784 X, RAIE 1960 F3 : Sillon ou séparation entre deux sillons.
RAYÈRE (Petit champ de la) 1784 B : Peut-être un avatar de raye/raie au sens du sillon.
RAYON(s) (Bois des) 1784 R; 1960 A1 : Sillon, d’après LACURNE. Il ne s’agit donc pas d’un bois mais d’une pièce labourée.
RÉAGE(s) (Les longs réages de Baillard) 1847 E3 : “Réage. Pièce de terre renfermée des deux côtés entre deux sillons que le laboureur trace avec la charrue pour la séparer d’une autre pièce de terre”. LACURNE.
RÉCOMPENSE (Bois de la) 1784 Z : Bois près de la Chevrie qui a du été donné en remerciement d’un service.
RELIGION…..SAINTE MARIE 1784 R; 1960 A1…..SAINT MARTIN (Champ) 1784 U; 1960 C1…..SAINT MARTIN (Champ de la fontaine) 1784 D.
SABLONS (Grands, Petits) 1784 A : « 12ème/14ème s. Terrain sablonneux » GRANDSAIGNES. Voir ci-dessus Géographie physique/Le terrain.
SAVART (Le) 1784 I : “Bas-latin savarda; ancien françait savart 14ème s. Terres incultes appelées aussi pleux (*)). BAILLY p.26. (*) Les Pleux : nom d’un hameau de St-Denis-lès-Rebais.
SAUVAGEONS (Les) 1784 S : Terrain difficile.
SOULAS (Les) : 1847 B6; 1960 B2 : “Soulas. Terme vieilli soulagement, consolation.” LITTRÉ. Terrain qui rapporte suffisament.
TALMOUSE 1784 I ; TALLEMOUSE 1813 F; TALEMOUZE 1847 D8 : «Talemose 12ème s. Talmouze pâtisserie à bords relevés, par extension mouvement de terrain.» BAILLY p.38.
TORTU (Chêne) 1784 Y : Chêne tordu. Il n’estplus là en 1960 ; a-t-il été abattu ?
TOURNEBRIDE (Le) 1847 F1 : Bâtiment près du Château. «Cabaret établi auprès d’unemaison de campagne pour recevoir les domestiques et les chevaux qui y viennent. » LITTRÉ.
VENTE (de la belle saule, de la chênée) 1784 AB : «Vente. Terme d’eaux et forêts. Les différentes coupes qui se font dans un bois, dans une forêt en des temps réglés. » LITTRÉ
VERNELLE (Champ de la) 1784 L ; VERNELLE (La) 1960 D1 : Diminutif probable de verne, autre nom de l’aune, arbre des lieux humides.
VIVIER (Champ du) 1813 H ; 1960 B2 : «Vivier. Pièce d’eau courante ou dormante où l’on nourrit le poisson. » LITTRÉ. Terrain où il y a eu un étang pour l’élevage du poisson.
- e) LA POPULATION.
- 1328. On indique 13 feux/km2, soit 62 habitants/km2) dans les vallées de la Marne et des Morin et, sur la plateau briard « humide et froid » 6 feux/km2 soit 28,8 habitants par km2. Sur cette base, il y avait 28,8×20 = 576 habitants sur le territoire actuel de la commune. TOUATI p.69.
- 1659. 221 feux. ? habitants.
- 1709. 141 feux. ? habitants. Diminution du nombre de feux = effet des guerres et de la période froide vers la fin du règne de LOUIS XIV.
- 1725. 168 feux ; 508
- 1759. 161 feux. ? habitants. HERNANDEZ Description de la généralité de Paris. Paroisses et Terres de l’Élection de Coulommiers. p.6. 1759.
1789/1793. 180 feux. 853 habitants.
De 1659 à à 1789 = source officielle non documentée.
Remarque : Quand le nombre de feux varie fortement il est fréquent que le nombre d’habitants par feu varie dans le même sens.
1800 = 1029 habitants……1821 = 1027 habitants……1841 = 1042 habitants…..1861 = 1025 habitants.….. 1881 = 976 habitants. Début d’une décroissance qui va durer presque un siècle = diminution du nombre d’ouvriers agricoles ?……1901 = 938 habitants……1921 = 754 habitants. Effet de la guerre 1914/1918…….1946 = 711 habitants……1962 = 664 habitants……1982 = 723 habitants. Progression après un minimum à 583 en 1975 = construction du lotissement à l’entrée de Doue côté rue Champenois…..1999 = 1028 habitants = Croissance continue = Constructions nouvelles et réhabilitation de maisons anciennes. Depuis 1793 la source est Des villages de Cassini aux communes d’aujourd’hui, dans cassini.ehess.fr.
2008 = 1005 habitants…… 2013 = 999 habitants. Source INSEE.
4-DOUE. GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE.
- a) L’EAU.
L’énergie hydraulique a été peu utilisée puiqu’on ne repère la présence que de deux moulins ; l’un déjà disparu au 18ème s. et est connu par le lieu-dit l’Écoute s’il pleut et dont on ne sait rien; l’autre à Croupet et pour lequel on a vu qu’un système hydraulique assez complexe avait été conçu et que BAZIN décrit p. 237.: « C’était au 13ème s. un moulin banal pour tous les censitaires (1) de la seigneurie de Doue et du hameau de Croppet, à la jonction des rus de l’Étang de la Motte et de Mélarchez (C’est-à-dire Fosse-Rognon). Le ruisseau qui le faisait tourner était le « Reolus (2) » qui limitait la forêt du Mans (2). Aux 17ème et 18ème s., le moulin de Croupet avait seul le droit de chasse monnée (3) dans la paroisse… Il fonctionna encore au petit sac (3) en 1811 et postérieurement. Il a été détruit complètement vers 1880. »
(1) Censitaire : Celui qui devait un cens, c’est-à-dire une redevance à un seigneur, donc à peu près tous le monde sauf les nobles et le clergé. Le moulin banal a fait l’objet d’un édit de SAINT LOUIS en 1270 : «Tout seigneur ayant justice en sa terre a droit d’obliger tous les habitants de la banlieue (ici la juridiction) de moudre à son moulin ; si quelqu’un s’y refusait, le seigneur le ferait sommer de comparaître et lui défendrait d’aller moudre ailleurs. » BAZIN p.45. (2) Reolus : Terme inconnu qui peut signifier la frontière ? Ou l’exutoire ? L’auteur considère que le ru principal à Croupet est celui de l’Étang de la Motte car il limite la forêt du Mans qui, à l’époque, s’étendait sur 20000 ha dans le triangle Meaux/Coulommiers/Jouarre et englobait donc les bois de Doue et de Jouarre. (3) Chasse monnée et Petit sac : «La mouture au petit sac ou à la monnée… consistait à moudre le blé dans un gros bluteau (tamis, la mouture était faite avant) où tout passait et où l’extraction du son avait lieu dès la première fois… Pour avoir de la farine plus blanche on repassait les gruaux (le blé moulu) dans un deuxième bluteau un peu plus fin. » BAZIN p.51 et 52.
Se pose ensuite la question du rôle assigné aux autres étangs qui ont été énumérés et dont on voit bien qu’il ont été disposés de manière à « utiliser » l’eau au maximum possible : l’exemple le plus frappant est le cas de l’eau venant des bois qui passe successivement dans 5 étangs, le Batardeau, le Grand étang, la Décharge, la Presle et les Gains de telle sorte qu’entre la Loge et St-Germain-sous-Doue il n’y a que de petites portions de ru. Toutes ces surfaces en eau étaient employées à l’élevage de poissons et le nombre d’étangs permettait d’échelonner la production dans le temps, puisque habituellement on vidait entièrement chaque étang pour récolter le poisson. L’étang étant asséché, on pouvait profiter de l’engrais apporté par les déjections des poissons pour y faire une récolte avant de le remettre en eau.
- b) LE BOIS.
Jusqu’aux premières décades du 19ème s., le bois a été le plus souvent le seul matériau utilisable pour le chauffage (soit en bois brut, soit après transformation en charbon de bois), pour l’ossature des bâtiments, pour la fabrication des moyens de transport (chariot, carriole, bateau), pour la fabrication des meubles et de beaucoup d’outils, y compris la charrue (Pierre DUPONT écrit en 1845 : « J’ai deux grands bœufs dans mon étable… La charrue est en bois d’érable). La forêt est donc un élément important pour la paroisse puis la commune, d’autant plus que c’est aussi un lieu de pâture en particulier pour les porcs qui apprécient les glands. L’exploitation est donc organisée autant qu’il se peut (coupe du taillis tous les 20 ans ; entretien de la futaie qui donne le bois de construction). A Doue, le Terrier de 1784 (feuille AB) comporte une liste de 13 « ventes » ; ces parcelles permettaient de régler l’exploitation des « bois de Doue ». Les appellations donnent une image de ces bois : Vente de la belle saule (cet arbre y est à sa place à cause de la présence d’ étangs) ; vente de la chênée (le chêne est très présent) ; vente de la fonderie ( est-ce en rapport avec le Champ de la Forge à Croupet ?) ; vente de la récompense (a-t-elle fait l’objet d’un don ?) ; vente des boulins (on a vu qu’on y trouvait de quoi faire des échafaudages) ; vente des pommelotiers (bois utilisé pour une fabrication inconnue) ; vente des terriers (GRANDSAIGNES dit, entre autres : « terrier = levée de terre » ; est-ce l’explication?) ; vente du taillis Martin (où le bois était exploité en taillis) ; etc.. Quelqu’un m’a dit un jour que les bois de Doue étaient connus pour la fabrication de sabots ; pourquoi pas ?
- C) L’AGRICULTURE.
c1 Une comparaison à un siècle d’intervalle.
Le 20/06/1786, l’Intendant de la Généralité de Paris demande d’exécuter un plan (couvrant quelle zone?). Le 18/10/1787, le géomètre de l’Élection de Coulommiers certifie le plan de Doue et donne sur ce plan des indications sur l’emploi des terrains. En 1892, RÉTHORÉ et THÉVENOT donnent des informations de même nature. Voici la comparaison. (A = arpent ; P = perche).
…………………………………1787………………………………………………1883
Terre labourable…..2366 A + 80 P…..soit…..1208,73 ha……….1331,61 ha
Prés………………………221 A + 90 P…… »……..113,32 ha…………249,20 ha
Bois………………………737 A + 80 P…… »………376,80 ha………..324,52 ha
Étangs (1)………. …….347 A + 80 P……. »……..177,62 ha……………2,49 ha.
…………………………………………………………..—————-………———–
total partiel……………………………………. »…….1876,47 ha……..1907,82 ha
Village (2)……………..285 A + 60 P………»……..145,85 ha………….13,27 ha
Fruitiers (3)….. ………..29 A + 10 P……… »……….14,86 ha…………37,09 ha
Chemins (4)…………..118 A + 90 P………»………..60,72 ha…………46,92 ha
…………………………….—————-……. »………————–………. ———-
total général…………4107 A + 90 P…….. »……..2097,90 ha…….2005,10 ha.
(1) En 1883 = ruisseaux et mares… (2) En 1787 = le village, bâtiments, cours et jardins… En 1883 = maisons, bâtiments, groupe scolaire, presbytère, église, cimetière… (3) En 1883 = jardins et vergers… (4) En 1787 = chemins et ravines (?).
Remarques : a) En un siècle les étangs ont disparu et les bois ont reculé au profit des terres labourables et surtout des prés. b) Le total partiel, c’est-à-dire la surface agricole plus les bois, a légèrement augmenté au détriment des chemins ; cela semble indiquer un regroupement de parcelles qui a permis de supprimer certains chemins d’accès c) Les deux remarques précédentes doivent être considérées avec précaution à cause de la différence des totaux généraux, qui montre
une fois de plus que la paroisse était un peu plus étendue que la commune. d) Il est surprenant de trouver des ravines (« Chemin creusé par les torrents. » TRÉVOUX) dans le décompte de 1787 car les pentes ne sont pas suffisantes pour obtenir un tel résultat ; peut-être s’agissait-il de chemins assez creux pour retenir de l’eau en cas de fortes pluies.
c2 Exemples de parcelles cultivées au 18ème s.
Le Terrier de 1787 comporte (feuille A) un lieu-dit les Grands Sablons limité au nord par le Grand Chemin de Coulommiers à Château-Thierry (actuellement la VC3 : Doue, le Château, Butheil, Saulsoy, etc.), au sud par une bande de 20 à 25 m de large le long du ru de Fosse-Rognon appelée les Prés des Grands Sablons (donc réservée à la pâture) , à l’ouest par une ligne perpendiculaire au ru et partant du départ de la VC3 (la route de Baillard et Rebais n’existait pas), et à l’est par une ligne également perpendiculaire au ru partant du coude de la VC3 avant le Château. J’estime que le terrain, qui appartenanit visiblement au domaine censuel, couvrait au maximum 15 ha ; il était découpé en parcelles numérotées de 183 à 268, soit au total 86 parcelles de terre labourable dont la surface moyenne était de 1500/86 = 17,4 ares.
Une ligne à peu près parallèle à la route coupe le lieu-dit en deux et détermine en gros deux types de parcelles : vers la route des parcelles d’environ 200 m de long, vers le ru des parcelles d’environ 100 m de long. Si toutes les parcelles avaient la même largeur on pourrait attribuer une surface moyenne à chacun de ces deux types de parcelles, mais c’est loin d’être le cas : la largeur des plus grandes atteint facilement 10 fois la largeur des plus petites. Comme exemples on peut repérer une parcelle de 200 m de long et 3 m de large (valeurs à 5 % près) qui occupe donc 600 m2, soit 6 ares, et une parcelle de même longueur et large d’environ 33 m, elle couvre 6600 m2, soit 66 ares.
Remarques. a) Ce qui frappe le plus est la petitesse des parcelles. On peut y voir plusieurs raisons telles que la pauvreté des tenanciers (ou des propriétaires s’il y en a), le manque de capital des mêmes personnes (ce qui limite l’accès aux fournitures, dont les semences), la faiblesse des moyens de culture, le refus d’échanges de parcelles entre cultivateurs et d’une façon plus générale le désintérêt des autorités (ici le seigneur) pour l’amélioration de la culture. b) Immédiatement à l’est de ce terrain, se trouvent de grandes parcelles qui jouxtent le parc du château ; elles appartiennent sans aucun doute au domaine utile que le seigneur se réserve.
Une explication de la résistance au regroupement des parcelles : « Un champ est au fond une œuvre humaine, qui s’est constituée de génération en génération ; un cultivateur, par une sorte d’instinct acquis connaît son sol ; vis-vis d’une terre nouvelle il se sent gauche et dépaysé.» Marc BLOCH. Les caractères originaux de l’histoire rurale française. t.2. A.Colin. 1964 p.216. On peut penser que depuis les années 1960, les progrès faits a) dans la connaissance des terres, b) dans l’efficacité des amendements et traitements, c) des pratiques de culture, d) voire dans l’emploi des matériels, ont réduit le « dépaysement » devant une parcelle inconnue.
- d) LA VIGNE ET LES ARBRES FRUITIERS.
d1 La vigne. L’implantation de la vigne en France se fait progressivement depuis la Provence ; au 4ème s. elle atteint l’Île-de-France. On cultive essentiellement deux plants : le plan de Brie ou meunier, noir, qui mûrit de bonne heure et le guouais, blanc, à maturité tardive, acide et sans bouquet (*) . Pour BOILEAU le vin de Brie n’était bon que pour le domestiques : il semble qu’en général il était plutôt raide à boire (**). Son plus grand développement a été au 19ème s., jusqu’à l’extension des chemins de fer qui a permis le transport à bon marché des vins du midi. Toutefois 5 communes de Seine-et-Marne sont dans la zone d’appellation du champagne : Citry, Mery/Marne, Nanteuil/Marne ; Sâacy/Marne et Ste Aulde. Sources : Wikipedia et sites.google.com /site/…/histoire-de-la-vigne-et-du-vin- en-marne-et-gondoire.
(*) Voir ci-dessus dans Le Moyen Âge en Brie ce que dit M. WILMART. (**) « C’est du vin de Brie, il ferait danser les chèvres. » Les dictons de Seine-et-Marne colligés par A . FOURTIER. 1872. p. 6.
Pour ce qui concerne Doue, le Terrier de 1784 (feuille R) nous donne une indication avec 3 lieux-dits : Vieille vigne, Vigne du pré, Vignes de Neuillis qui se trouvent tous trois près de Neuillis ; il est donc probable qu’on a planté de la vigne à cet endroit, qui est dans la partie haute du coteau de la vallée du petit Morin..Par ailleurs, d’après SCHELSTRAETE en 1544 il y avait 3,5 ha de vigne à « la Montagne de Doue ».
d2 Les arbres fruitiers. Le terrain et le climat sont très favorables à la plantation de pommiers, généralement dans les champs et de poiriers dans les jardins. Les pommiers étaient nombreux dans les prés, en particulier ceux qui se trouvaient à l’arrière des maisons dans le village ou les hameaux. Dans le plaine des parcelles étaient également réservées à l’implantation de deux ou trois rangées de pommiers. De façon non exhaustive on peut citer des espèces qu’on trouvait habituellement : la Vérité, petite pomme rouge assez dure qui se gardait longtemps, la Barrée, pomme à croquer juteuse dont on disait qu’elle était originaire de la région, le Châtaigner de couleur violacée, la Rambourg, belle pomme veinée qui servait à faire le « croquemusiau » où la pomme entière est cuite dans une boule de pâte, la Belle-Joséphine, la meilleure, et la Calville importée de Normandie. L’abondance de la production permettait de fabriquer un cidre plutôt doux, jamais âpre parce que fabriqué avec des pommes à croquer. Sur Internet www.supertoinette.com nous propose un dicton briard : Beau temps à la Ste Eulalie (*), Pommes et cidre à la folie. (*) 12 février.
Les jardins sont souvent entourés de murs construits en meulière et plâtrés ce qui leur donne une couleur blanche propice à la conservation de la chaleur. Jadis ces murs étaient systématiquement garnis de poiriers en espalier ; cette forme permet de profiter pleinement de la surface du mur et de faire des tailles très productives. Parmi les espèces rencontrées, il y avait la William, très bonne poire facile à produire, la Duchesse, grosse poire à grain plutôt gros, la Beurré Hardy bonne mais fragile, la Louise Bonne très goûteuse mais peu productive, la Doyenné du Comice, excellente, à protéger des guêpes attirées par sa chair sucrée et la Passe-Crassane très bonne poire tardive dont les plantations ont été décimées dans les années 1980 par le feu bactérien (Erwina amylovora).
- e) LE SOUS-SOL.
e1 La pierre meulière.
Il a été dit plus haut que l’on trouve facilement de la pierre meulière dans la couche d’argile proche de la surface. Je n’ai pas de précisions sur les endroits où l’on a pu extraire en quantité mais nous avons rencontré de « carrières » dans les noms de lieux-dits. Il est probable que le groupe de bâtiment comprenant la mairie, les anciennes classes et les anciens logements, a été bâti avec de la meulière locale.Cette pierre est à peu près abandonnée, toutefois, en témoignage deson passé, le mur pignon de la nouvelle école a été montée en meulière.
e2 le sable.
Le sable de la butte a été employé, en particulier en maçonnerie jusque dans les années 1980. La carrière se trouvait en face du terrain de foot-ball, juste après la dernière maison du côté gauche de la rue de l’Église. Dans les années 1940, le front d’exploitation faisait une falaise assez impressionnante ; devant ce front, il y avait une zone horizontale dont le sol était en sable et qui constituait une sorte de plage où les mamans amenaient leus enfants à la belle saison. Après l’arrêt de la carrière, le terrain a été remodelé ce qui a fait disparaître la falaise.
e3 La pierre à chaux.
Ci-dessus, dans sa description de Doue, Charles OUDIETTE signale en 1817, « dans la butte de La Garenne, une carrière de pierre à chaux avec un four. » Il ne reste pas de traces du four mais il y a sur le versant de la butte une dépression qui peut être la trace d’une exploitation du calcaire qui surmonte le sable. En ce qui me concerne, je pense à une exploitation pour la construction de l’église (voir plus loin), mais il est certain que le calcaire est aussi une pierre à chaux. De toutes façons on conçoit mal la reprise d’une telle exploitation !
e4 Le pétrole.
Le sous-sol de la Brie a été (l’est-il encore?) assez riche en pétrole et cela a conduit à une exploitation en différents lieux : près de la Nationale 34 en face de Disney (maintenant arrêtée), près de Vaucourtois, près de la Nationale 4 du côté de Vaudoy, etc. La production de ces forages a entraîné l’installation de la raffinerie de Grandpuits.
A mon retour à Doue en 1988, il restait des traces de forage près de Mélarchez sur la rive droite du ru de Fosse-Rognon. L’exploration avait révélé la présence de pétrole -j’en ai vu un petit échantillon- mais dans une configuration telle qu’on ne pouvait en envisager l’exploitation. Ces dernières années l’attribution de nouveaux permis de recherche a déclenché une réaction si vive qu’on ne saura probablement jamais si il y a vraiment du pétrole exploitable sur le territoire de la commune.
II-HISTOIRE.
1-LE MOYEN ÂGE EN BRIE.
Jehan de BRIE. Le bon berger ou le vray régime et gouvernement des bergers. 1379. Édition de 1542. Dans les citations j’ai gardé le style de l’époque mais j’ai adopté l’orthographe moderne. L’explication de termes anciens vient de GRANSEIGNES D’HAUTERIVE R. Dictionnaire d’ancien français. Moyen âge et Renaissance. Larousse.1947.
WILMART Mickaël. L’alimentation ordinaire en Brie à la fin du Moyen Âge. Différenciation sociale et stratégie d’approvisionnement. Colloque de Meaux du 05/04/2014. Société historique de Meaux et de sa région. 2015. halsshs.archives.ouvertes.fr/halshs-01234265..
CORROZET Gilles. Les blasons domestiques contenantz la decoration d’une maison honneste & du mesnage étant en icelle : invention joyeuse et moderne. Paris. 1539.
- a) CE QUE L’ON MANGE.
a1 D’APRÈS JEHAN DE BRIE.
« La chair du mouton et de l’ouaille (la brebis) est bonne pour nourrir créature humaine, pour manger avec la porée (potage fait d’un mélange de poireaux et autres légumes) et pour faire plusieurs viandes en temps convenable… (On la sert) à table plus communément que de chair d’autres bêtes. Les entrailles que l’on appelle tripes et la tête du mouton ou de brebis… les pieds, le foie, le poumon, quand il n’est pas blessé ou corrompu des dauves (*) ou d’autres mauvaises herbes, et autres choses de par dedans sont bonnes et profitables aux pauvres gens, car plusieurs en prennent nourriture et récréation à grande suffisance. » p.34. (*) Jehan de BRIE explique plus loin qu’il s’agit d’un plante poussant dans les terrains marécageux et que cette « dauve » détruit le foie. C’est évidemment la douve que nous connaissons et c’est un parasite que le mouton ingère en broutant l’herbe contaminée.
Le petit déjeuner du berger : « Au mois de janvier se doit le berger se lever moult matin (très tôt)… se doit déjeuner et manger du pain et du potage qui est demeuré et gardé du soir du jour de devant . » p. 83. « En août, doit le berger lever matin et soit déjeuner d’une soupe en eau ou du lait clair (du petit-lait), et ne doit pas porter du pain dans sa panetière, fors (sauf) pour son chien. » p.113. En août Jehan de BRIE conseille de manger très léger : une soupe en eau c’est-à-dire très liquide!, et pas de pain !
a2 CE QU’EN DIT M. WILMART.
La nourriture. Ce n’est pas précisément le sujet mais on relève dans le texte : deux sortes de pain (pain blanc et ordinaire), toutes sortes de viandes (porc, vache, mouton, poule, chapon, oison) dont on distingue deux qualités (la viande fraîche du jour, la viande salée invendue le jour précédent p.4), du poisson dont le hareng pour les jours de carême, des légumes (pois, fève, chou), et de l’huile de noix. La diversité de la nourriture est confirmée p.15 et 16 par l’énumération des commerçants présents sur les marchés : boucher, poulailler, poissonnier, haranguier, regrattier (Qui vent du sel à petite mesure dans les pays de gabelle. LITTRÉ), fromager, pâtissier, oublier (vendeur d’oublies). Enfin la chasse et la pêche participent à l’alimentation pour autant que le signeur local les autorise moyennant loyer.
La boisson. Le vin « est la boisson majeure de l’Occident médiéval » p. 5. En Île-de-France on cultive la vigne avec divers cépages (p .5 et 6) : le fromentel qui donne un vin blanc renommé, le morillon (vin rouge de bonne qualité), le gouais avec lequel on fabrique un vin médiocre « pour les basses couches et les tavernes » ; mais la qualité du vin de Brie est contesté par le Champenois Oscar DESCHAMPS qui écrit au 14ème s. qu’il est fait avec des prunelles ! Vers la fin du Moyen Âge on importe du vin de Bourgogne. La fabrication de la bière se développe dans la vallée de la Marne au tout début du 15ème s. Au 15ème s. également apparaît le cidre ; pour les Briards est cidre «tout breuvage fait de jus de pommes ou poires séparément ou en confus (mélangées). » p.8. C’est évidemment un Normand qui critique les cidres de la Brie qui, pour lui, sont «rudes et mal plaisans (avec) pour la plupart goust de terroir. » p.7.
Les contrôles. La DGCCRF (*) n’existait pas encore mais la nécessité d’organiser et de contrôler le commerce des aliments était bien présente. Pour la viande par exemple les bouchers de Coulommiers « ne pourront vendre ni exposer en vente en icelle boucherie aucune chair de porc surseine (**), mais la pourront vendre hors icelle en signifiant par eux qu’elle est surseinée.(**) » p.4. Au 14ème s., à Meaux c’est un boulanger qu’on veut mettre à l’amende parce que le pain est «petit et pou assuyé conré et sechié ou autrement, tel qu’il fut digne d’estre condempné »; c’est-à-dire : petit et pas (assez) essuyé, préparé et séché ou autrement, (et) tel qu’il doit être condamné. p.5. (*) Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, ouf ! (**) Couverte de taches.
a3 D’APRÈS CORROZET.
Avec cet auteur on se trouve à la Renaissance, mais on est encore près de la fin du Moyen Âge et l’on peut penser que les nourritures et les vins qui sont énumérées par CORROZET étaient pour beaucoup, déjà connus un demi-siècle auparavant. Le titre de l’ouvrage, « Les blasons » indique que la cuisine et la cave qui sont décrites ci-dessous sont celles d’un personnage important, voire de haut rang. Le texte est en vers : les majuscules indiquent généralement le début d’un vers.
La cuisine. Les paragraphes ont ménagés pour aérer le texte.« On a beau dire, on a beau faire mine, Si on ne voit une bonne cuisine, Il n’y a rien en la maison qui plaise, Car la cuisine réjouit et fait aise…. Et des seigneurs les grands logis fréquentent, Non pour avoir des gens la seule grâce ; Mais pour l’amour de la cuisine grasse, Quand il y a de chairs et de poissons Grande quantité de toutes façons.
En la cuisine à point bien ordonnée Est de besoin avoir la cheminée Pleine de feu, garnie de chenets, De pots assortis, et de grils assez nets, D’une grande pelle et tenailles serrantes Pour attiser bûches très ardentes. Droit au milieu se tient la crémaillère Où pendent souvent chaudrons et chaudières. En la cuisine est assez convenable D’avoir un banc et une vieille table, Et un buffet à mettre la vaisselle Qui est d’étain et de cuivre, car celle Qui est d’argent ou d’or, en garderobe La faut serrer de peur qu’on la dérobe.
En la cuisine on voit pintes voler, Quaites (?) et brocs et vaisselle rouler, Comme grands plats, écuelles et assiettes, Là vont traînant nappes et serviettes, Touailles (essuie-main), torchons ; là sont poêles, bassins, Pour accoustrer (arranger) cochons, chapons, poussins, Là sont couteaux pour détrancher et fendre. Là ne peut le gras mouton (se) défendre, Ni le bœuf ni le veau, qu’il ne soit mis en broche Ou en bouillon ; en ce lieu on embroche Lièvres, connils (lapins), oisons, perdrix, faisans, Pigeons, bisets, – ce sont oiseaux plaisants-. Là sont rôtis sarcelles et pluviers, Paons et hérons -oh quels beaux éperviers-
.Mieux vaut cela que racines d’ermites. Devant le feu sont les pots et marmites, Où sont bouillis tant de divers potages Selon les temps et différents usages. Là aussi sont les poudres et épices, Boudins, jambons, andouillettes et saucisses, Les saupiquets (sauce piquante) pour les gens dégoûtés (qui ont perdu le goût), Le four aussi et les friands pâtés D’où tout de suite les croûtes sont cassées. Là vous verrez hocher (remuer (dans la poêle)) les fricassées En lard et beurre, en verjus (jus de raisins encore verts) et vinaigre, Qui trouve-t’on (que l’on trouve) aussi à un jour maigre.
Là peut-on voir l’anguille et la lamproie, De quoi le ventre et la bouche font proie, Le saumon frais, la carpe camusette (qui a le nez court et plat), Le gros brochet, la sole fringalette (qui a faim), Le marsoin gras, l’alose savoureuse, Puis l’esturgeon et la truite amoureuse, les uns bouillis et les autres rôtis Pour aiguiser les humains appétits. » p.11 à 13.
La cave. «Cave faite de dure pierre, Dans les entrailles de la terre, Cave pleine d’humidité, Chaude en hiver , froide en été. Cave où sont les vins savoureux, Tant bons, friands et amoureux, Comme bâtard et malvoisie, De muscadet, de Roménie (Romanée), De Beaune, d’Anjou, d’Orléans, Et vin français qui dort leans (là dedans), Vin d’Angoumois, de Sens, d’Auxerre, Et autres que tu tiens en serre (réserve)…. Leans (là dedans) les voit-on écumer Et bouillir (*) ainsi que la mer, Et rompre les vaisseaux (tonneaux) souvent Si on ne leur donne du vent. » p.9 et 10. (*) C’est le cas dans la cave du vigneron, pas dans celle du client final.
- b) LA SANTÉ.
b1 LES ÉPIDÉMIES.
« A Coulommiers pendant toute l’année 1481, il y eut une grande famine suivie d’une maladie épidémique qui commençait par une fièvre ardente et continuelle. Elle portait à la tête et ceux qui en étaient atteints tombaient en phrénésie et mouraient comme enragés. » D. PERICARD-MEA. Les pèlerinages au Moyen âge. 2002. p.40. Remarque : Les épidémies se propagent par les contacts à l’occasion des rencontres, du commerce, etc. ; cette maladie est-elle venue jusqu’à Doue ?
LA PESTE. Pour le Moyen âge, c’est d’abord la Peste noire ou Grande peste qui sévit en Europe de 1347 (apparition à Marseille, à Paris en juillet 1348) jusque 1350 ou 1352. Elle fut pendant cette période l’un des plus grands fléaux connus et l’on estime souvent que près d’un tiers de la population disparut pendant cette épidémie. On en a des témoignages poignants : « Et estoit tres grant pitié de veoir les corps des morts en si grant quantité. » 1348. Certaines localités dont le nom évoque « le désert » doivent cette appellation au passage de la Grande peste. Le 20/04/1349, on édicte une « Ordonnance pour réprimer les abus et concessions des officiers qui, en raison de la mortalité, étaient tentés de s’approprier les biens des disparus, biens en déshérence (sans héritiers) qui auraient du faire retour à la couronne. » Bibliothèque de l’Ecole des Chartes. 2ème livraison juillet-décembre 1965. p.358. Hormis cet épisode épouvantable, la peste était connue de l’Antiquité et est apparue plusieurs fois avant le 14ème s., et elle reviendra ensuite (voir ci-dessous) au moins jusqu’au 18ème s. La peste ne sera combattue avec efficacité qu’après la découverte en 1894 par A. YERSIN, disciple de PASTEUR, du bacille qui en est à l’origine le Yersina pestis.
L’histoire de cette maladie est difficile à retracer par le fait qu’il y a eu au cours des siècles diverses « pestes ». En août 1721, M. GAUTIER, Inspecteur des Ponts et Chaussées, proposait dans une lettre : « de m’éclaicir avec vous (avec le destinataire) sur un sujet… qui met aujourd’hui l’Europe dans des justes craintes, sur la maladie que les uns appellent contagion , d’autres la Peste, d’autres enfin qu’elle n’émane que de la disette de vivres et qui cause une mortalité presque générale dans la plupart des lieux où elle se communique. » Nouvelles conjectures sur l’origine de la peste. p.3. Au Moyen âge et même après, il est probable que des épidémies mortelles ont prises pour la peste, alors qu’elles ne l’étaient pas. En ce qui concerne la Peste noire du 14ème s., il s’agissait bien de la vraie peste que l’on décrivait comme commençant par l’apparition de bubons (sorte de grosseur infectée), suivie de crises de fièvre, voire de folie et qui conduisait généralement à la mort en moins de 10 jours. Elle était extrêmement contagieuse à cause de la prolifération des germes dans les bubons. Dans la présentation du texte de 1571 p.9 (voir ci-dessous) , on donne une liste de 15 expressions utilisées au 14ème s. pour nommer la peste. J’en retiens quelques unes : Grande pestilence, Peste épouvantable, Mort noire, Peste inguinaire (c’est-à-dire de l’aîne parce que les bubons s’y développaient ; c’était le nom que lui donnait déjà GRÉGOIRE de Tours au 6ème s.), Pestilence de Boces ou Impidemie de bosses (boce et bosse pour bubon ?).
La lettre de 1721 ci-dessus est écrite à l’occasion d’un retour de la peste au 18ème s. Ci-après nous avons deux exemples au 16ème s., avec le doute sur ce qui est appelé peste. En 1571, on établit des « Ordonnances pour éviter le danger de la peste. » On y fait beaucoup état des moyens à mettre en œuvre pour limiter la contagion. Nouvel accès de peste dans les années 1580 : La Chronique de HENRI III signale que les 19 et 20 septembre 1583, des pénitents et des pélerins font procession à Paris. Ce sont des habitants des villages et bourgs de Crécy, de Villemareuil , Jouarre et autres lieux de la Brie et de Roissy-en-France. Il font procession pour préserver le pauvre peuple de la contagion de la peste.
b2 LA LÈPRE.
Source TOUATI François Olivier. Maladie et société au Moyen Âge. La lèpre, les lèpreux et les léproseries dans la province écclésiastique de Sens. De Broeck Université. 1998.
« La lèpre est par excellence la maladie du Moyen Âge. » p.17. « La lèpre est avec la peste et le choléra l’une des maladies historiques dont la seule évocation fait encore trembler les plus courageux. » p.27. « Il n’y avait ni ville ni bourgade qui ne fut obligée de bâtir un hôpital pour les retirer (isoler les lépreux). » p.31. Ces citations montrent l’importance qu’a eu cette maladie qui ne disparaîtra qu’au 18ème s. Au 4ème s, elle serait apparue en Italie et en Espagne et on en trouve des exemples à Paris. Au 6ème s., un concile réuni à Orléans prescrit aux évêques de pourvoir aux besoins des pauvres et des malades ; on y inclut le cas des lépreux. Au 7ème s. on connaît un cas de lèpre à Rebais et plusieurs à Lagny. (p.92).
La lèpre ne sera expliquée qu’au début des années 1870 avec la découverte par A. HAUSEN d’un bacille, le Mycobacterium leprae qui est à son origine. Le Moyen Âge ne pouvait que constater son évolution chez les malades : attaque de la peau et ensuite délabrement général : «Si a la chair corrompue, les yeux ronds, le regard étincelant, les narines estoupées (fendues), la voix enrouée. Des bourgeons lui croissent durs et ronds par la face et par le corps. » Texte du 13ème s. p.129. Il n’y avait aucun moyen d’arrêter l’évolution, et encore moins de guérir ; on ne pouvait guère qu’essayer de soulager le malade souvent avec des remèdes employés pour d’autres maladies de la peau. Il semble difficile d’apprécier le niveau de la contagion, et cela a été discuté dès le Moyen Âge. Toutefois le risque de contagion était certainement présent chez beaucoup de gens et joint à la spécificité de la maladie, il a conduit à la création de lieux de rassemblement des lépreux : les léproseries ou maladreries ou ladreries.
Pour la médecine moderne, la mauvaise hygiène est essentiellement à l’origine de la lèpre du Moyen Âge.
b3 LES ACCIDENTS DU TRAVAIL.
Quand Jehan de BRIE avait une dizaine d’années : « Ledit Jehan de BRIE fut établi et ordonné audit lieu de Nolongue (*) pour mener les chevaux à la charrue au devant du bouvier ou du charretier, pour hâter et exciter les chevaux, comme VIRGILE l’enseigne dans ses Bucoliques en son livre où il traite de cultiver et labourer les terres. Auquel office à la charrue ledit Jehan de BRIE ne demeura que par trois mois seulement parce que l’un des chevaux lui passa dessus le pied dextre (droit), et le blessa tellement qu’il en fut malade par l’espace d’un mois ou plus. Et ne put continuer à exercer icelui office, causant (à cause) de son essoine (souci) de maladie. » Jehan de BRIE p.17. (*) Nolongne à l’époque.
A la suite de cet accident : « On lui bailla (donna (*)) la garde de dix vaches à lait de la maison de Nolongue, lesquelles il garda bien pendant l’espace de deux ans continuellement. Et plus les eu gardées de sa bonne volonté si inconvénient n’y fut intervenu : …Une des vaches qui était desrée (affolée) et demandait les taureaux ou était enivrée de mauvaise herbe ou breuvage, le heurta de ses cornes moult (beaucoup) orgueilleusement et impétueusement , et abattit ledit Jehan à terre soudain, et le blessa fortement, tellement qu’il ne put plus garder les vaches. Et quand il fut relevé et en convalescence, il vint audit hôtel de Nolongue dire que jamais il ne garderait les vaches.» Jehan de BRIE p.18. (*) De fait c’est « donner à bail » mais « ledit Jehan n’était pas noble et il ne lui appartenait pas de lignage, il n’en put avoir le bail. » Jehan de BRIE p.19.
C’est ainsi que Jehan de BRIE devint berger : on lui donna la garde « d’agneaux débonnaires et innocents qui ne heurtaient ni blessaient. » p.19.
b4 DES SOINS.
Le mouton pharmaceutique. «La crotte de brebis vaut moult (beaucoup) en médecine, et est maintes fois (souvent) donnée aux malades et patients en breuvage ou autre manière pour leur santé recouvrer…. Le suint de la laine vaut (est utile pour) à laver et à nettoyer draps et autres choses souillées ; et aussi vaut-il à mettre aucunes-fois (quelquefois) sur plaies, empostumes (foulures, entorses) et ulcères, (pour) qui bien en sait ouvrer (l’utiliser).» Jehan de BRIE p.36 et 37.
D’autres médications. F.-O. TOUATI, dont le sujet est la lèpre, cite les médications employées dans ce cas ; elles sont très majoritairement d’origine végétale (75,5 %), avec 14,5 % d’origine animale et 10 % d’origine minérale. Ces médications sont également employées pour d’autres maladies. En ce qui concerne les végétaux, les « plantes sélectionnées se révèlent en effet dotées de réelles facultés adoucissantes, purgatives et antiseptiques… (ou)…de propriétés cholagogues (épuration de la bile), dépuratives, hépatiques… (ou avec) des possibiltés de fonctions sudorifiques, sédatives, toniques, expectorantes… et répulsives, astringentes, résolutives, vulnéraires… (enfin)… hémostatiques, fébrifuges, ou emménagogues (qui provoque les règles). » p.161. Ce qui montre l’importance de la pharmacopée par les plantes au Moyen Âge ; je n’en retiendrai que l’hellébore, « purgatif violent et à risque. » Pour le règne minéral on cite le soufre, mais d’autres minéraux sont certainement employés ; avec le règne animal on rentre dans une médication moins évidente : la chair du serpent, la bile de la chèvre ou du taureau, parce que ces animaux sont « régénérants », la cendre de crabe ou le petit lait pour la dermatologie, l’urine humaine contre la rage, etc.
b5 IL Y A AUSSI LA PRIÈRE.
Le texte est en vers, les lettres majuscules indiquent le début d’un vers. Orthographe moderne.
« Saint-Fiacre, patron de la Brie, Seul de ce nom, je te prie, Que devers Dieu le créateur, Tu sois mon médiateur. Glorieux saint d’Écosse né, Certain suis que Dieu t’a donné, Pouvoir sur hommes et femmes, Et par toi leurs corps et leurs âmes De grands dangers sont boutés (chassés) hors ; Quant à la partie des corps, Par toi sont guéris langoureux, Pleins de fièvres , chancreux, ficqueux (?), Des rompus et pleins de gravelle, Qui est maladie mortelle, Polipeux (qui a despolypes) pleins de pourriture, De broches (?), de ficques (?) et d’ordure, Qui dedans le corps humain entre, De flux de sang, de cours de ventre (diarrhée) , De flux menstrueux et de vers, Et aussi d’autres maux divers, Saint-Fiacre tu peux secourir, Si te supplie dévotement, Que à mon âme premièrement Impétrer (obtenir) la gloire éternelle, Et au corps temporellement, Me donner santé corporelle. Amen. » Prière relevée dans un livre d’heures de 1509. Les dictons de Seine-et-Marne colligés par A . FOURTIER. 1872. p. 56 et 57.
2-L’ÉGLISE.
mise à jour : 09/07/2016.
Sources.
La France gothique par les cathédrales gothiques par W. SCHÄFKE.Arthaud. 1990.
La grammaire des styles. L’art gothique. Flammarion. 1947. Ouvrage désigné ci-après par [GST].
L’église Saint Martin de Doue en pays briard. Opuscule en couleur édité par l’Association pour la sauvegarde de l’église de Doue. Désigné ci-après par [APS]
Quand les cathédrales étaient peintes. par A. ERLANDE-BRANDENBURG. Découvertes Gallimard. 1993.
Sur la butte de Doue, l’église Saint Martin. Opuscule en noir et blanc édité par l’Association pour la sauvegarde de l’église de Doue.
a-L’ÉGLISE GOTHIQUE.
Vers 1130, le roi LOUIS VI le Gros règne d’une main ferme sur un domaine qui dépasse de peu l’Ile-de-France. Dans l’étendue de la France actuelle, il y a environ un siècle que l’on construit des édifices religieux dans le “nouveau” style roman dont une des caractéristiques est que le plafond de la nef y est constitué par une voûte maçonnée généralement en berceau. Dans l’abbaye cistercienne de Fontenay en Côte-d’Or (1119), on est allé plus loin en couvrant la nef de l’église abbatiale d’une voûte constituée d’arcs brisés. En Ile-de-France, à Saint-Denis, l’abbaye est dirigée par SUGER, c’est un abbé érudit, il a beaucoup lu et de ses lectures il a tiré la conclusion que la lumière participe essentiellement à la spiritualité; il cherche donc le moyen de faire entrer des flots de lumière dans l’église. En ayant pour but cet objectif et profitant de la nécessité de faire des réparations dans l’église abbatiale, avec son architecte il entreprend la reconstruction du choeur de cette église carolingienne; c’est dans une utilisation ingénieuse de l’arc brisé qu’il trouve la solution. En 1144, on consacre le nouveau choeur et les évêques venus pour la consécration découvrent une architecture nouvelle : de grandes fenêtres garnies de verres colorés ont été ouvertes, les arêtes des murs ont été remplacées par des piliers, l’arc brisé est présent partout dans les voûtes, l’emploi de l’ogive a été généralisé avec la voûte sur croisée d’ogives; de plus cet ensemble d’éléments a permis un élancement vers le haut de la structure et une économie de matériaux due à la disparition des épais murs qui caractérisaient l’église romane. La voûte d’ogives, plus légère que tout autre type de voûte, et son supportage par des piliers ont permis d’ouvrir de grandes baies dans les murs sans mettre en péril la construction, par ailleurs stabilisée vers l’extérieur par des contreforts.
Avec ce choeur, un nouveau style est né. Au 19ème s. on redécouvre le Moyen Âge, et le Romantisme aidant, on qualifiera ce nouveau style de gothique sans remarquer l’anachronisme qui a consisté à donner à un édifice du 12ème siècle un nom porté par les envahisseurs du 5ème siècle. On a aussi employé l’expression style ogival, à cause de l’emploi généralisé de l’ogive. De nos jours, certains disent que ce style devrait simplement être qualifié de français, car il est apparu dans cette région où la monarchie capétienne a commencé à constituer la nation française : l’Île-de-France. On a tendance à qualifier de gothiques toutes les constructions qui présentent des arcs brisés; ce faisant on omet le fait que l’arc brisé a été employé bien le choeur de Saint-Denis, comme on l’a vu ci-dessus dans l’abbaye de Fontenay. Dans ce cas l’arc brisé n’est qu’un moyen de couvrir une nef assez large..
Assez vite la construction gothique se répandra jusqu’à devenir prépondérante en France où l’on peut citer (date de mise en chantier entre parenthèses) par exemple : Saint-Etienne à Sens, considérée comme la première cathédrale gothique et mise en chantier avant l’achèvement de Saint-Denis; Notre-Dame à Paris (1161); Saint-Etienne à Bourges (1195); Notre-Dame à Reims (1211); Notre-Dame à Amiens (1220); Notre-Dame à Clermont-Ferrand (# 1250): Notre-Dame à Rodez (1277); Notre-Dame à Strasbourg (1277), etc. Puis l’expansion du gothique gagne l’étranger : Angleterre (Canterbury, 1175); Allemagne (Cologne, plan identique à Amiens, 1270); Italie (Sienne); Espagne (Burgos, plan identique à Bourges, 1230); jusqu’en Scandinavie et en Europe centrale.
Quelques définitions : Arc brisé = élément d’une voûte composé de deux arcs de cercle qui se rejoignent en formant un angle. Bas-côté = partie paralléle et contigüe à la nef. Berceau : voûte en forme de demi-cylindre renversé. Contrefort = sorte de gros pilier massif de section carrée ou rectangulaire chargé d’assurer extérieurement la stabilité d’un édifice. Croisée d’ogives = intersection de deux ogives au sommet de la voûte; c’est une caractéristique du style gothique. Nef = partie principale de l’église entre le choeur et le portail. Ogive = dans une voûte de plan carré ou rectangulaire, nervure de la voûte qui rejoint deux coins opposés du carré ou du rectangle. Voûte = maçonnerie de forme courbe soutenue par un mur ou par des piliers.
b-L’ÉVOLUTION DU GOTHIQUE.
Né au 12ème s., le style gothique est prépondérant jusqu’à la fin du 15ème s. Au début du 16ème s., il entre en concurrence avec la Renaissance et n’apparaît plus qu’en mélange avec ce nouveau style. Pendant toute cette période il évolue pour des raisons diverses mais semble-t-il peu techniques; la “grammaire” de ce style montre cependant des changements assez ordonnés pour que l’on puisse reconnaître l’époque de la construction de telle cathédrale. Dans ce qui suit je vais détailler l’évolution d’éléments caractéristiques en omettant toutefois ceux qu’on ne rencontre pas dans l’église de Doue : les grandes rosaces, les sculptures de personnage, les tribunes sur les bas-côtés.
Selon [GST] l’ère gothique comprend 4 périodes : 1150/1230, gothique primitif; 1230/1300, apogée du gothique; 14ème siècle, gothique rayonnant (sans signification d’après [GST]); 15ème siècle, gothique flamboyant..
LA VOÛTE.
La voûte sur plan carré = elle est supportée par 4 piliers qui forment en plan, les 4 côtés d’un carré; et a 2 ogives. La voûte sur plan barlong = les 4 piliers forment en plan un rectangle, avec 2 ogives. La voûte sixpartite = voûte sur plan carré qui présente une ogive supplémentaire disposée perpendiculairement à la nef au milieu du carré. La voûte est ainsi divisée en 6 panneaux, d’où le nom.On remarque toutefois que le choix du rectangle ou du carré dépend d’abord de l’espacement que l’on donne aux piliers : dans les grandes églises où la nef est très haute le plan barlong est nécessaire parce que les piliers sont plus rapprochés dans le sens de la longueur que dans le sens de la largeur.
1150/1230 : voûte sur plan carré et sixpartite.
1230/1300 : voûte sur plan barlong.
14ème s. : voûte sur plan barlong.
15ème s. : nervures multiples et petits panneaux.
LES PILIERS.
pilier cantonné = pilier cylindrique comportant des colonnes ou colonnettes engagées partiellement dans le cylindre. formeret = arc brisé parallèle à la nef.
1150/1230 : pilier cylindrique.
1230/1300 : pilier cylindrique cantonné.
14ème s. : le prolongement vers le bas des arcs de la voûte et des arcs formerets descend le long du pilier jusqu’à sa base.
15ème s. : pilier cylindrique dans lequel viennent s’insérer le prolongement des arcs de la voûte et des arcs formerets
LE CHAPITEAU ET LE TAILLOIR.
chapiteau = ouvrage qui couronne une colonne; il est généralement sculpté selon différents motifs et supporte le tailloir. tailloir = pièce horizontale qui repose sur le chapiteau et qui est destinée à recevoir le prolongement d’un arc.
1150/1230 : il y a un tailloir sur le chapiteau, qui est décoré de crochets, sortes de feuilles stylisées.
1230/1300 : comme ci-dessus.
14ème s. : les arcs descendant jusqu’à la base du pilier, il n’y a plus de tailloir; le chapiteau est donc purement décoratif et est orné de feuillage.
15ème s. : il n’y a plus de chapiteau.
LA FENÊTRE
fenêtre à lancettes = fenêtre verticale dont la largeur est faible par rapport à la hauteur; elle se termine en haut par deux arcs qui se rejoignent selon un angle aigu.
1150/1230 : fenêtre à lancettes.
1230/1300 : fenêtre à lancettes.
14ème s. : fenêtre à lancettes au début; vers la fin les arcs terminaux sont remplacés par un motif contourné, par exemple une parenthèse horizontale.
15ème s. : les sinuosités terminales sont plus importantes et ressemblent à des flammes, d’où le nom de gothique flamboyant.
REMARQUE.
“L’art gothique est un art rationnel… La forme est l’expression rigoureuse de la structure… Rien n’est laissé au hasard (*), rien n’est sacrifié à la décoration.” [GST] p.6. (*) On a un exemple ci-dessus avec le chapiteau de la période 1150/1300 qui sert à la fois de décoration et de support. Un autre exemple est celui de la gargouille (qui n’existe pas à Doue) servant à l’écoulement de l’eau en évitant de mouiller la base de l’édifice et qu’on a orné de diables ou de monstres.
c-L’ÉGLISE SAINT-MARTIN DE DOUE.
LE SITE.
1) Le problème du site peut être abordé avec deux questions : 1) pourquoi la butte ? 2) pourquoi le village n’est-il pas autour ? qui peuvent amener à une réponse unique. Avant de considérer Saint-Martin voyons deux exemples :
RONCHAMP, 70250. L’éminence (altitude 472 m soit 120 m au-dessus du village, pour une distance horizontale de 1 km) où se trouve l’église est habitée depuis l’Antiquité ; les Romains l’on occupée. On y a bâti un sanctuaire dédiée à la Vierge au 4ème s. Au Moyen Age c’est l’église paroissiale de Ronchamp et de plusieurs villages. Au 18ème s., on construit une église dans le village de Ronchamp, l’édifice sur la colline devient un lieu de pélerinage sous le nom de Notre-Dame-du-Haut. Cette chapelle démolie en 1944 au moment de la Libération , est reconstruite par LE CORBUSIER en 1954/1955. D’après www.collinenotredameduhaut.com.
PAROY, 77520. L’église dédiée à Saint-Ferreol et Saint-Maclou est érigée fin 10ème s./début 11ème s. Elle est agrandie au 12ème s., d’où certains caractères gothiques. Elle se trouve au nord de la RD 403 de Montereau à Provins alors que le village est au sud, à une altitude de 152 m (soit 95 m au-dessus du village pour une distance horizontale de 550 m). Le site www.fontaine-fourches.com précise : « Le village s ‘installe au 10ème s. sur une butte dans les marais, il se développe alors autour l’église et un donjon est édifié à proximité sur une motte castrale. Les habitations se déportent peu à peu à la fin du Moyen Age et s’approchent de l’Auxence (rivière) en s’établissant près du château. »
Pour Paroy il est clair que le village installé autour de l’église à l’origine, s’en est éloigné par la suite. N’en est-il pas de même à Ronchamp ? Car peut on imaginer qu’au Moyen Age, ou avant, on ait bâti l’église à 1 km à vol d’oiseau des habitations ?
2) DOUE. L’église dont l’altitude est de 180 m est à environ 40 m au-dessus de la mairie du village pour une distance horizontale de 430 m. Les découvertes archéologiques ont montré que la butte était habitée au temps des Gaulois et probablement avant, et que l’armée romaine s’y étaient établie. La présence avérée d’un ancien puits et diverses découvertes font penser qu’il y avait des habitants au Moyen Age, et donc jusqu’à l’époque de la construction de l’église actuelle, le village se trouvait autour de l’église. Il semble donc que la réponse à la deuxième question soit la même pour Doue que pour Paroy (et probablement Ronchamp) : le village était sur la colline autour de l’ église et il s’en est éloigné, probablement peu à peu et pour des raisons de commodité (accès plus facile au réseau routier, moindre rigueur de l’hiver, etc. ).
Quant à la question, pourquoi là ? 1) Il y a une première réponse évidente : la sécurité du village est plus facile à assurer sur une butte qu’en plaine ; cela est vrai dès sa création et le sera tant que la sécurité n’a pas été assurée par un pouvoir royal fort (On met au crédit de Louis VI le Gros, 1108/1137, d’avoir combattu les seigneurs pillards en Ile-de-France). Certains ont d’ailleurs dit que sur la butte de Doue l’église était fortifiée à cause de la présence de meurtrières dans la tour accolée côté sud ; cette tour paraît à elle seule insuffisante pour la défense de l’édifice. 2) A Paroy le premier village s’installe « dans les marais », Doue au Moyen Age il y a de nombreux étangs ; dans les deux cas il faudra de nombreuses années pour que les terres s’assèchent et en attendant, surtout en été, l’atmosphère humide peut être très malsaine. Il se peut qur sur la butte on ait cherché plus de salubrité. 3) Si l’on considère que l’église est antérieure au village -ce qui paraît peu vraisemblable après ce qui a été dit ci-dessus-, on peut envisager la symbolique religieuse (prier dans un lieu élevé nous rapproche de Dieu), ou plus prosaïquement : « on choisissait (pour les églises) autant que possible les lieux les plus élevés afin de permettre aux habitants d’un pays étendu de les reonnaître de loin. » [DJS] p.16.
3) La magie du lieu.
« Peu à peu, une sorte de communion s’établit entre les esprits de ces jeunes… et la calme plénitude peu à peu distillée par cette butte dominant un horizon qui s’estompait au fil des minutes… Ce calme irréel irradiait une vibration venue des temps lointains… Tout permet d’affirmer que la butte de Doue et son église fréquemment qualifiée de Phare de la Brie possède une aura particulière. » [DJS] p. 7 et 8 ; texte inspiré à l’auteur par la découverte de la butte de Doue.
LA VISITE.
INTRARE.
0n entre par la petite porte; il y a une trentaine d’années l’apparence du bois, façonné par la pluie et cuit par le soleil, montrait encore l’ancienneté de la porte ; la clé et la serrure, grossières mais efficaces, étaient au diapason ; les vandales sont hélas passés par là. Nous voilà dans le bas-côté sud, assez clair par temps ensoleillé, sombre et un peu mystérieux quand le ciel est bas ou les nuages noirs. L’église apparaît comme plutôt grande en comparaison de son aspect extérieur. Son ancienneté est évidente dès que la vue se porte sur les piliers moulés ornés d’un chapiteau ; les motifs sculptés semblent usés par le temps et dénotent l’emploi d’une pierre calcaire tendre. Assez vite, l’attention est attirée par ce qu’on aperçoit à travers les piliers.
On avance vers l’extrémité du bas-côté jusqu’à déboucher dans le transept. Et l’on découvre là dans l’ensemble du choeur et du transept, une architecture merveilleuse faite de piliers qui s’élèvent bien plus haut que les bas-côtés, et de grandes fenêtres constituées de lancettes et de rosaces, qui donnent une luminosité exceptionnelle à cette partie de l’édifice. Là, la pierre calcaire est bien meilleure, les sculptures des chapiteaux ont résisté au temps. Au centre du transept, on se tourne vers l’abside pour admirer les vitraux, aux belles couleurs qui décrivent la Passion et la Résurrection du Christ. En dessous de ces vitraux, l’abside semi-circulaire est couverte de boiseries ouvragées qui accompagnent un autel de belle facture. L’ensemble aurait été offert à l’église par le roi LOUIS XVI qui serait venu chasser à Doue. Un tableau remarquable par l’expression et la mise en scène des personnages est enchâssé dans la boiserie. Il pose un problème : dans l’opuscule de l’association [APS] c’est la « Messe de Saint-Loup » qui pourrait représenter une conversion ; pour J.SCHELSTRATE dans [DJS] p.111, c’est la « Messe de Saint-Martin. » Qui a raison ? Pour en terminer avec le choeur, on ne manque pas d’examiner le lutrin où est figuré un superbe aigle en bois ; l’aigle étant l’emblème de JEAN, l’Évangéliste.
La visite se poursuit par le bas-côté nord ; on se croirait là dans un monastère avec les piliers polygonaux d’une grande simplicité et des murs sans décoration. A l’extrémité du bas-côté, on arrive aux fonts baptismaux constitués d’une seule pierre sculptée ; l’étanchéité de la vasque est assurée par une feuille de plomb qui a été modelée sur la pierre.
Quelques pas plus loin, on est sous la statue de Saint-Martin représentant la scène célèbre où le saint alors militaire coupe son manteau en deux pour le partager avec un miséreux. Cette sculpture de pierre colorée est l’une des plus belles « Charité de Saint-Martin » que l’on puisse voir ; on peut le constater en examinant sur internet toutes celles qui y figurent. On fait demi-tour et on ne peut que s’extasier devant la splendeur de l’abside soulignée par l’encadrement formé par les piliers de la nef.
COMPREHENDERE.
Le premier point à retenir de la visite est que la longueur de cette église semble trop faible ; une comparaison simple est de calculer le rapport longueur/largeur. J’ai retenu pour la comparaison deux cathédrales gothiques, Bourges très classique et Albi dont l’aspect est particulier, il vient : Doue = 1,48 ; Bourges = 2,93 ; Albi = 2,91. Ce faible rapport se constate très bien quand on examine le plan de Doue, le rectangle est très peu allongé. Pourquoi ? 1) On peut d’abord penser que, une fois fixée la place du choeur, on ne pouvait allonger plus la nef sans trop réduire le parvis à cause de la proximité de la pente de la colline. D’où une autre question : pourquoi ne pas avoir érigé le choeur plus à l’est ? Une réponse possible est que l’église actuelle a été bâtie sur les fondations (ou une partie des fondations) d’une église précédente. Jusqu’à ce jour, à ma connaissance, aucune recherche n’a conforté cette hypothèse, par contre il y a ce porche qualifié de « roman ». Je pense personnellement qu’il n’a pas vraiment le style roman, mais si je me trompe cela veut dire que l’on a peut être récupéré le porche de l’église précédente et donc limité ainsi la longueur totale.
Le second point porte sur les différences que l’on constate entre d’une part le choeur et le transept et d’autre part la nef et les bas-côtés; on a signalé ci-dessus la qualité de la pierre, mais il y a aussi la nef qui n’est pas voûtée -et dont on ne sait si c’est suite à un accident ou parce qu’elle ne l’a jamais été- et l’écart excessif de hauteur sous voûte entre transept et bas-côtés (écart d’ailleurs accentué par la différence des niveaux au sol) . On a là l’impression qu’il y a eu successivement deux décideurs (et payeurs) différents ; nous en reparlerons.
Le troisième point concerne la grille entre le transept et d’autre part la nef et les bas-côtés. Il n’est pas courant que l’église paroissiale d’un village soit divisée par une telle grille. Celle-ci date du 18ème s. Je crois qu’il n’y a pas de doute sur ce point à cause de la qualité de la ferronnerie mais aussi à cause du métal utilisé : s’il était plus ancien il serait plus irrégulier, et au 19ème s. on aurait employé de la fonte moulée. Au 18ème s., il est vraisemblable que le choeur était réservé au seigneur de Doue, à sa famille et à ses invités, et aussi aux religieux qui assistaient à la messe. Antérieurement on ne sait pas ; d’ailleurs y avait-il une grille avant le 18ème siècle ?
DATATION.
On n’a jamais trouvé de documents sur la construction de l’église ; de nombreuses recherches ont été faites en particulier par des membres de l’Association pour la Sauvegarde de l’église, toujours en vain. Les périodes de construction ne peuvent être donc qu’estimées, et de toutes façons aucune date précise ne peut être avancée.
-Y a-t-il eu une église antérieurement ?
« La pluspart des église dédiées à Saint-Martin ont une antique origine ou tout au moins remontent au temps des premiers établissements chrétiens. » [DJS] p.16. La christianisation de l’Ile-de-France est probablement effective au moment du baptème de CLOVIS (vers 500) ; il est possible qu’une église ait été érigée à Doue à partir du 7ème s., mais comme je l’ai écrit ci-dessus, il n’y a pas de preuves archéologiques
-La grammaire des styles.
Elle a été exposée ci-dessus pour la période gothique, on va l’appliquer à nôtre cas mais on peut déjà soupçonner qu’il y aura des écarts par rapport à la « bonne » grammaire ne serait-ce qu’à cause de la longueur de la période de construction : plusieurs architectes ou maîtres-ouvriers s’y sont succédés, ce qui n’est pas un gage de continuité. De plus quand, par exemple, on découvre un élément d’architecture qui est typique du 14ème s., il se peut qu’il ait été mis en place au 15ème s. par des compagnons férus de la période précédente.
Le choeur et le transept. Les quatre gros piliers, cantonnés à tel point qu’il ne semblent constitués que d’un assemblages de collonettes, respectent exactement la grammaire de la période 1250/1300 ; il en est de même pour les chapiteaux décorés de crochets et surmontés d’un tailloir. Les fenêtres à lancettes confortent l’hypothèse de la deuxième moitié du 13ème s. Malgré deux discordances (les voûtes sur plan carré du transept et des deux chapelles encadrant le choeur et dans ces chapelles les chapiteaux ornées de têtes), on est bien là dans la période 1250/1300.
Le bas-côté sud. Les arcs descendent jusqu’aux pieds des piliers, le tailloir devenu inutile a disparu ; le chapiteau a été conservé comme décoration ? Certes il est décoré de scènes ou d’animaux bizarres au lieu du feuillage annoncé par la grammaire, mais on a là les traits essentiels du 14ème s., mais il s’agit probablement d’un 14ème s. tardif car les fenêtres dont le haut est très contourné sont semblables à celles du 15ème s.
Le bas côté nord. La partie basse des arcs s’enfonce dans le haut du pilier, le chapiteau a disparu, donnant une grande simplicité à la file des piliers ; le haut des fenêtres est orné d’une sorte de parenthèse horizontale surmontée d’une flamme : on est au 15ème s. Remarquons que les voûtes sont sur plan barlong ; ce n’est pas forcément pour suivre la grammaire mais plutôt parce que l’on a élargi l’église de ce côté en créant un bas-côté plus large que le bas-côté sud (peut-être pour assurer à l’église une capacité suffisante compte tenu de la population de la paroisse ?).
La grammaire nous a conduit à envisager une construction pendant la deuxième moitié du 13ème s. pour le choeur et le transept, au 14ème s. pour le bas-côté sud et au 15ème s . pour le nord. Il aura fallu vraisemblablement bien plus de 100 ans pour construire l’église. En dehors d’éventuels problèmes de moyens, il ne faut pas s’étonner de la longueur de la période car elle comprend le 14ème s., seculum horribile , le siècle horrible : il commence par une période d’hivers très froids, puis successivement il y aura la Guerre de Cent Ans (qui commence en 1337), la Peste noire (1346/1353 qui atteint l’Ile-de-France dès 1346), la Jacquerie (1358, révolte de la paysannerie, très active en Ile-de-France), et à cause de la Guerre, une guerre civile entre Armagnacs partisans du roi de France et Bourguigons partisans du roi d’Angleterre
La cathédrale de Toul.
Dans l’opuscule de l’Association [APS], on signale que le chevet de la cathédrale de Toul est très comparable à celui de l’église de Doue avec deux chapelles carrées jouxtant le choeur. Voyons ce qu’on peut en dire.
« La cathédrale romane est détruite peu à peu pour laisser place à l’élévation gothique. Le gros œuvre débute par le choeur (1121/1235), flanqué de deux tours dites « harmoniques» (1), adaptation du plan type de l’église gothique avec la tradition romane de l’édifice. » Le transept est construit ensuite (2) dans la deuxième moitié du 13ème s., la nef est plus tardive : 14ème et 15ème s. source : monumentshistoriques.free.fr/cathedrale/toul.
A Toul, « il n’y a pas de triforium (galerie de circulation sous les fenêtres hautes) remplacé par un simple passage mural (3). L’influence gothique vient de Reims : lancettes surmontées d’une rose (4), piliers entourés de quatre colonnettes engagées (5). »…« Le chantier… a aussi été le théâtre d’innovations architecturales qui ont une postérité : Les extrémités du transept sont fenestrées (6), au lieu de comporter une rosace» source : lacroix.com du 08/07/2011, texte de D. GREINER.
(1) Comme on le voit sur le plan de la cathédrale ces tours correspondent à deux chapelles ; elles ont à peu près la hauteur de l’abside. A Doue, on ne peut parler de tours, mais extérieurement on distingue bien les avancées des chapelles de part et d’autre de l’abside. (2) Comme à Doue, le choeur et le transept sont construits dans la continuité. (3) A Doue on accède à un passage identique à partir de l’escalier de la tour ; les piliers sont évidés pour assurer la continuité de circulation. Le passage, d’ailleurs dangereux, servait probablement à l’entretien des fenêtres . (4), (5) et (6) Idem à Doue. Le rapprochement de la cathédrale et de l’église confirme l’hypothèse de la période 1250/1300 pour la construction du choeur et du transept de Saint-Martin ; de plus il incite à penser que le premier architecte de Toul, Emile BOESWILLWALD ou l’un de ses disciples, a participé à l’édification de l’église de Doue.
LE SEIGNEUR ET L’ÉGLISE.
- SCHELSTRAETE dans [DJS] évoque les seigneurs de Doue ; les premiers cités aux 12ème et 13ème s. portent le nom du lieu selon l’usage du Moyen Age. Viennent ensuite les MARETZ aux 14ème et 15ème s. ; pendant ce dernier siècle, par liens familiaux la seigneurie de Doue passe aux JUVENAL des URSINS ; cette famille importante par ses fonctions auprès du roi fournit des seigneurs à Doue jusque vers la moitié du 18ème s. Une branche dérivée, les d’HARVILLE, prend alors la place jusqu’à l’extinction du nom au début du 19ème s. Sous l’Ancien Régime, le seigneur est évidemment le personnage important de la paroisse et cela se voit dans l’église. Dans celle de Doue, il y a un écusson de la famille des URSINS dans le bas-côté sud sur le dernier pilier ; on y distingue deux ours debout soutenant un écu sur lequel les armes ne sont plus visibles. Dans la nef, un pilier est orné des armes des HARVILLE ; des blasons identiques se trouvent derrière les boiseries du choeur, donc invisibles. Par ailleurs il était d’usage que les membres de la famille du seigneur soient enterrés dans l’église : « Le onze juin mil sept cent quarante est décédée et le treize a été inhumée dans l’église de cette paroisse tres haute et tres puissante damoiselle Mademoiselle Claude Constance Esprit Juvenal de Harville des Ursins de Trainel agée de vingt cinq ans passés par nous pretre curé soussigné, la dite demoiselle fille de tres haut et tres puissant seigneur Esprit Juvenal de Harville des Ursins marquis de Trainel Mestre de Camp lieutenant du Regiment d’Orleans dragons et de feüe tres haute et tres puissante dame Louise Magdelene Le Blanc ses peres et meres… » ; Les prêtres étaient également enterrés dans l’église : « …le vingt huit du present mois (février 1737) a été inhumé dans l’ église de St Martin de Doüe Messire Jacques de Debouville curé de cette paroisse… » souligné = orthographe conforme à l’original. Dans l’allée de la nef deux pierres tombales témoignent de ces inhumations ; elles sont illisibles pour avoir été martelées à la Révolution
Vers la fin du 18ème s., cette coutume commençait à être moins suivie pour des raisons de salubrité. Par Ordonnance royale du 10/03/1776, les inhumations furent interdites dans les églises sauf pour le curé et un certain nombre de cas particuliers. Il semble que l’ordonnance n’était pas appliquée très strictement et la loi du 23 prairial an XII (12/06/1804) réitéra l’interdiction tout en supprimant les exceptions. Le général comte d’HARVILLE, dernier seigneur de Doue, décédé en 1815 est enterré dans le vieux quartier du cimetière près de l’église.
L’église « a appartenu aux Templiers (*). sa forme et ses vitraux la font remarquer. Dans l’une de ses chapelles existait avant la Révolution un mausolée érigé à la mémoire des ancêtres de M. le Comte d’HARVILLE, dernier propriétaire de ce nom et du château au pied de la montagne. » OUDIETTE Charles. Dictionnaire topographique des environs de Paris jusqu’à 20 lieues à la ronde de cette capitale. 2ème édition. 1817. p.216 et 217. (*) On verra ci-dessous que les historiens ne croient plus à cette hypothèse.
LA CONSTRUCTION, LES MATÉRIAUX.
e1 La pierre. L’évolution géologique a doté l’Ile-de-France de nombreux gisements de calcaire ; parmi eux on trouve de la pierre à bâtir de qualité variable et le problème du maître-maçon médiéval et de son donneur d’ordres était de déterminer le choix de la carrière selon 3 critères : la qualité du matériau, son prix (en fonction des conditions d’exploitation) et le coût du transport (très élevé si on ne peut utiliser la voie d’eau et qu’il soit nécessaire de s’en remettre au charroi).
Le premier opuscule en noir et blanc édité par l’Association pour la Sauvegarde de l’Église indique que la pierre calcaire employée à la construction de Saint-Martin de Doue, a pu être extraite à proximité de l’église dans le banc qui couvre le haut de la butte ; pour avoir assisté en tant qu’adjoint au maire au creusement de caveaux dans le cimetière, je peux assurer que c’est une pierre très dure et très compacte assurément utilisable pour la construction. Si cette hypothèse s’avérait exacte, elle expliquerait peut-être la différence de nature constatée entre la pierre du transept et celles des bas-côtés : après épuisement de ce qui était exploitable sur la butte, on est allé chercher ailleurs.
Dans tous les cas, il est intéressant de signaler que le calcaire généralement employé dès l’époque romaine en Ile-de-France, est le calcaire dit lutétien (de Lutetia, Paris) qui se trouve sous la couche d’argile à meulières. Il en existe beaucoup de sortes, ayant certainement des propriétés différentes. Comme gisement connu, exploité jadis et pas (trop?) loin de Doue on connaît Isles-les-Meldeuses et surtout Varreddes ; la pierre de Varreddes est célèbre pour avoir été employée à la construction de la cathédrale de Meaux. On signale aussi une variété dite calcaire de Provins à Jouy-le-Châtel. Peut-on par ailleurs retenir comme approvisionnement possible de Doue la pierre de l’Oise (à St Leu d’Esseret , 60340) ? En effet à partir du 14ème et jusqu’au 16ème s., « une structure capitalistique se met en place entre les carriers (de St Leu et St Maximin) et les bateliers pour produire et transporter à bas coût, la pierre des grandes carrières. » J.P. GÉLY, Saga Information février 2009 p.22. Le même auteur indique par ailleurs que ce système rendait la pierre de l’Oise compétitive jusqu’au sud de l’actuelle Seine-et-Marne. Je m’arrête là ; d’autres ont peut-être la clé du mystère.
Le taillage de la pierre était un élément essentiel pour la bâtisse ; on faisait ce qu’on appelle de nos jours, de la préfabrication, chaque pierre devait arriver, taillée à la forme et à la mesure exactes, dans les mains du maçon. Le tailleur de pierre était donc plus important que celui qui posait la pierre, et il signait souvent son œuvre par une marque distinctive ; je n’en ai jamais remarqué à Doue. Le montage des voûtes était délicat et l’on utilisait éventuellement des cintres en bois pour soutenir les ogives pendant leur construction. L’économie de matériaux faisait partie de la logique du gothique : dans les combles on peut voir le haut des 4 gros piliers du transept et l’on constate qu’à ce niveau ils sont constitués par un anneau de pierre taillée remplis d’une maçonnerie de pierres quelconques.
e2). Le bois. On peut imaginer que les architectes du Moyen Age étaient aussi attentifs à la qualité du bois que ceux du 19ème s. ; pour les réparations qui font suite à l’incendie de 1827, le devis estimatif précise qu’on utilisera du « bois de chêne en bonne qualité sans flache » et plus loin du « bois de chêne de bonne qualité sans aubier », ce qui signifie la même chose, puisque pour LITTRÉ la flache est « dans une pièce de bois équarrie, ce qui paraît de l’endroit où était l’écorce », c .-à-d. l’aubier. C’est le b.a.ba de la construction, l’aubier partie plus molle et qui pourrit facilement ne compte pas pour la résistance de la pièce de bois ; il n’en faut pas. C’est la charpente de la toiture qui consomme beaucoup de bois ; l’église de Doue est couverte de tuiles plates dites «de pays », ce qui impose une pente à la toiture et conduit à un comble très vaste et à une grande surface de couverture. De ce fait d’ailleurs l’esthétique de la toiture s’accorde avec celle des anciens bâtiments de la commune. Avant les travaux de remise en état de l’église dans les années 1970, les 4 gros piliers du transept étaient reliés 2 à 2 par de grosses poutres en bois, qui, de mémoire, se trouvaient à peu près à la hauteur du haut de la boiserie du choeur. Elles avaient été installées dans l’idée de consolider les piliers, ce qui a pu être nécessaire quand ces piliers supportaient la flèche du clocher. Elles ont été enlevées lors de la restauration des piliers. Pour en terminer avec le bois, il faut citer la grande porte qui est certainement très ancienne (d’origine?) compte tenu de son aspect et du style du petit guichet grillagé qui permet de voir qui est dehors ; on remarque aussi la grosse poutre en bois qui se glisse horizontalement dans deux trous de la muraille de façon à bloquer la porte.
e3 le fer. Au 12ème s., la sidérurgie se développe en France en particulier sous l’influence monastique et plus précisément sous celle des Cisterciens qui produisent le fer parfois dans leurs abbayes (Fontenay en Côte-d’Or possède dans son sein une forge importante) ou plus souvent dans leurs « granges du fer » qui préfigurent la grosse forge du 18ème s. puis l’usine sidérurgique des 19ème s. et 20ème s. De ce fait, quand les architectes vont se tourner vers la construction d’églises gothiques ils auront du fer à leur disposition, et à un prix acceptable. Maxime L’HERITIER dans sa thèse (Sorbonne, 2007) cite p.13/14 les résultats d’une étude allemande : on estime à 3,6 t de fer les besoins d’une « petite église » pour les armatures de vitraux et à 13,6 t les mêmes besoins pour la cathédrale de Ratisbonne (1225). En tenant compte des fers de structure et autres, on pense que la construction de cette cathédrale a nécessité l’emploi de 40 t de fer. On utilise donc du fer dans l’église gothique de trois façons
1) Pour les vitraux (c’est souvent le plus gros poste). Dans les lancettes, le panneau fait de morceaux de verre assemblés au plomb, est porté par une barlotière (*), barre de fer horizontale dont les extrémités sont fixées dans la maçonnerie. Cette barlotière comporte de petits taquets horizontaux, les pannetons ou tenons, sur lesquels repose le panneau. Un fer plat, le feuillard ou contre-barlotière, percé de trous est enfilé sur les pannetons et maintient ainsi le panneau, qui est ensuite bloqué par des clavettes traversant les pannetons. Il y a en général des soutiens supplémentaires, les verges ou vergettes, tiges de fer fixées horizontalement dans la maçonnerie et espacées entre les barlotières ; le panneau de vitrail y est en principe attaché au moyen d’un crochet de plomb. (*) L’ancien nom était barre loquetière. Dans certains cas on installe des barlotières-tirants qui servent donc aussi à empêcher l’écartement des deux montants de la lancette.
2) Pour mettre en place des tirants qui solidarisent deux parties de la maçonnerie qui ont tendance à s’écarter ; ces tirants sont souvent perpendiculaires à la nef (*), mais il peut y en avoir comme à Bourges, dans le sens parallèles à la nef. Les tirants sont souvent en deux morceaux reliés par une clé de serrage qui permet de régler la tension. (*) Dans l’ouvrage Quand les cathédrales étaient peintes, une photo montre la cathédrale de Soissons, bombardée pendant la Grande Guerre ; on y voit clairement que, dans la nef, les tirants ont maintenu les piliers qui portent les arcs, ce qui a évité l’ écroulement des voûtes.
3) Pour établir un chaînage dont le but est de maintenir la maçonnerie par une ceinture. Le chaînage est composé de pièces de fer allongées, longues de 0,5 à 1 m et ayant à une extrémité une partie mâle et à l’autre une partie femelle de façon à pouvoir solidariser chaque pièce avec les deux pièces voisines. Quand la chaîne est installée dans l’édifice, elle est dissimulée dans une saignée du sol (dans le triforium à Bourges); à Amiens elle est à l’extérieur. On en trouve aussi en haut des murs dans les combles.
Le cas de Doue. Les vitraux des lancettes possèdent des barlotières et des vergettes décrites ci-dessus ; j’ai toutefois un doute sur la façon dont le panneau de vitrail est fixé à la barlotière. Normalement le démontage du panneau se fait en ôtant les clavettes, on retire ensuite le feuillard et le panneau est libre ; lors des remises en état des fenêtres j’ai constaté que les barlotières avaient été descellées de la maçonnerie. Comme partout, la fixation des vitraux des rosaces est adaptée à ces formes particulières avec par exemple une barlotière verticale et une horizontale. En travers du bas-côté sud on voit des tirants certainement anciens car la tension du fer se fait à l’aide d’une clavette ; ils peuvent même avoir été posés lors de la construction. Les piliers qui encadrent la nef sont reliés par des tirants beaucoup plus récents car la tension du métal est obtenue par le vissage d’un manchon ; on peut penser au 19ème s. On n’a pas signalé de chaînage, ce qui ne veut pas dire absence ; une exploration des murs dans le comble serait le moyen de le savoir.
- f) QUI A PAYÉ LA CONSTRUCTION ?
A la période gothique, quand la construction de la cathédrale ou de l’église a été décidée, il devient nécessaire de collecter les fonds nécessaires à sa construction. Dans le cas d’une église, le Conseil de fabrique est normalement chargé de gérer les biens provenant de toutes sortes de sources (quêtes, offrandes, dons, loyers, legs, etc.) à la disposition de la paroisse pour les frais de fonctionnement de la paroisse et d’entretien des édifices religieux. Il est donc naturellement chargé de la collecte et de la gestion de l’argent destiné à la nouvelle construction. Il est d’ailleurs l’un des contributeurs en allouant à l’église une partie des revenus ordinaires. Il organisait par ailleurs des collectes spéciales (quêtes au delà de la paroisse dans les villes, vente de cierges, etc.). Le curé lui-même contribuait sur ses deniers s’il avait des ressources propres (comme l’abbé SUGER à Saint Denis). Ensuite on sollicitait les autorités religieuses : l’évêque du diocèse, les abbés ou abbesses des monastères voisins, et le seigneur du lieu. La population peut être requise mais d’après La France Gothique il semble que l’enthousiasme était si grand que les aides spontanées sont nombreuses. Il est cependant parfois utile d’ établir un contrat : En 1463, à St-Julien-des-Chazes, 43300, pour la reconstruction du choeur et du clocher, « …lesdits habitants doivent lui apporter (au maçon) sur place et lui fournir la pierre, la chaux, le gravier ; ils doivent faire le mortier et tous les travaux de manœuvres. » Quand les cathédrales étaient peintes. p.161.
Pour Saint Martin, l’opuscule en noir et blanc de l’Association proposait une origine des fonds correspondant à peu près à ce qui vient d’être dit, en citant les Templiers parmi les donateurs ; il semblait logique de les associer à cause de la présence de la Commanderie à Coulommiers, parce que Doue faisait partie du territoire de cette commanderie (*) et qu’ils possédaient un domaine au Poncet à Doue (*). Dans [DJS], J. SCHELSTRAETE balaie tout ce que proposait l’Association en insistant sur le fait que les Templiers n’avaient pas de raisons de s’intéresser à l’église de Doue. Que dire alors ? La participation de l’évêque est probable (encore que la cathédrale de Meaux commencée en 1175 n’était pas terminée) ; la participation du ou des seigneurs de la paroisse et d’une abbaye (Jouarre ?) est vraisemblable; la participation du Conseil de fabrique et des habitants est quasi certaine. (*) Informations www.templiers.net/departements.
Il reste la question des Templiers. Je remarque qu’il y a des similitudes entre le choeur et le transept de l’église de Doue et la chapelle de la Commanderie : mêmes voûtes, mêmes fenêtres à lancettes et chapitaux formés d’une tête de personnage surmontée d’un tailloir, comme dans les chapelles de Doue. Donc il y a eu au moins un rapprochement pour la construction, et je fais l’hypothèse qu’il y a eu plus, à savoir que les Templiers ont participé aux dépenses de l’église pour en faire un lieu de rencontre de l’Ordre à cause de la situation particulière de cet édifice. Dans la première décade du 14ème s., PHILLIPE IV Le Bel pourchasse les Templiers, l’Ordre du Temple disparaît et à Doue on constate la perte d’une importante contribution. Le malheur des temps s’ajoute à cela et l’on reprendra la construction plus modestement vers la fin du 14ème s. Il est possible que plus ou moins rapidement, et preuves à l’appui, un historien mette à mal cette hypothèse que je n’ai aucun moyen d’avérer, mais ne fallait-il pas la faire quand même ?
- g) CURÉS.
1) « Doue, Paroisse et château du Diocèse de Meaux…. Curé depuis 1737 : M. Le FORT de la VILLENEUVE. Le chapitre de la Cathédrale nomme à cette cure. » HERNANDEZ L. Description de la généralité de Paris. 1759. Election de Coulommiers p.6. « Pierre-Nicolas LEFORT de la VILLENEUVE, bachelier en droit de la faculté de Paris. Prêtre curé à Doue (1737), vicaire de St Christophe à Meaux (1738). » Inventaire fonds Huvier. p.8. Archives de Seine-et-Marne.
2) «Le 27 octobre 1789, conformément à la permission accordée par Mgr l’évêque de Meaux,j’ai curé soussigné fait dans cette église la bénédiction avec les cérémonies usitées, de la principale cloche de ladite église, nommée Augustine…. TERREDE Curé. » En 1790, la Constituante adopte la Constitution civile du clergé. Les desservants sont élus par le même corps électoral qui élit l’administration locale et doivent prêter serment à cette Constitution sous peine d’être décrétés réfractaires et de ne plus pouvoir exercer leur ministère. Il semble que Jean Denis TERREDE a prêté ce serment et on l’a vu ci-dessus (voir La Commune de Doue) remettre les documents d’état-civil à la municipalité.
- h) LÉGENDES.
J’ai entendu jadis une légende dans laquelle on croyait à l’existence ancienne d’un tunnel reliant l’église de Doue à l’abbaye de Jouarre (distance à vol d’oiseau plus de 7 km). Dans la nuit de Noel, une personne (était-elle désignée ou volontaire ? ) devait parcourir la distance pendant la nuit sous peine d’être condamnée à rester enfermée dans le tunnel.
D’après www.francenervie-secretes.com/templiers, une légende du même genre se raconte au sujet de la Commanderie des Templiers à Coulommiers : un tunnel aurait relié la commanderie avec des maisons de chevaliers dans la ville de Coulommiers (distance à vol d’oiseau d’environ 1,5 km). Pendant la messe de la Passion, une personne (ou plusieurs ?) aventureuse pouvait entrer dans le tunnel et devait faire l’aller et retour pendant la durée de la messe, ce qui lui donnait droit à la rémission de ses péchés. Si elle arrivait trop tard, elle restait emmurée.
L’invraisemblance de ces deux légendes se trouve dans l’impossibilité qu’il y avait de creuser de si longs tunnels au Moyen Age; l’atmosphère de foi très vive et de croyance naïve favorisait alors l’apparition de telles légendes. Il est possible que le trajet dans le tunnel ait été une métaphore de la rémission des péchés par la réalisation d’un exploit courageux : rien n’est donc jamais perdu pour le pécheur.
3-LE STATUT DE LA TERRE AU 18ème S.
Avant la Révolution, le statut de la terre découlait du partage fait au début du Moyen Age. «Le domaine lui-même se divise en deux parties : l’une qui est la réserve du maître (qui deviendra le seigneur), l’indominicatum, comprend quelques terres particulièrement fertiles et la totalité des bois et pacages (pâturages) ; l’autre se divise en lots concédés à cens (*) aux tenanciers, qui peuvent prendre du bois et faire paître leurs bêtes dans les bois et pacages de la réserve, mais doivent fournir au maître, pour la culture des terres réservées, des corvées parfois portées à la moitié de la semaine. » J. CALMETTE. Le monde féodal. PUF. 1935 ? (*) à cens = en contrepartie d’une redevance versée au « maître ».
Pour ce qui concerne les seigneuries de Doue et de Fosse-Rognon, le Terrier (ancêtre du cadastre) de 1784 partage la terre en trois domaines : le domaine utile qui correspond à la réserve du maître décrite ci-dessus ; le domaine censuel, concédé à cens et le domaine féodal, qui distingue le cas particulier de terrains de la seigneurie de Doue appartenant aux MONTMORENCY (voir Les Neuillis dans la liste des hameaux ci-dessous). Il vient (A = arpent, P = perche et A = 100 P)
…………………………………Doue………… Fosse-Rognon………….Total………………….soit
Domaine utile………1407 A + 16 P………213 A + 47 P……..1620 A + 63 P…………827,66 ha
Domaine censuel….1987 A + 61 P……… 564 A + 22 P……..2551 A + 83 P………1303,22 ha
Domaine féodal……….15 A + 16 P…………………………………..15 A + 16 P…………….7,74 ha
………………………….——————-……..——————…….——————………————–
Total…………………….3409 A + 93 P……..777 A + 69 P……….4187 A + 62 P………2138,62 ha.
Remarques : 1) Le total des deux seigneuries excède la surface de la commune de Doue (2005 ha). 2) La terre réservée aux seigneurs (Doue et MONTMORENCY) dépasse légèrement 39 % du total.
Le cens annuel (ou redevance) était payé en argent et en nature ; le Terrier donne les informations suivantes :
La cens du domaine censuel de Doue (1015 ha) était de 3809 boisseaux (46555 litres) d’avoine soit 48,8 litres/ha + 221 livres 19 sols et 8 deniers soit 0,22 livres/ha + 10 canards, 17 poulets et 8 chapons.
Pour le domaine censuel de Fosse-Rognon (288 ha) c’était 1071 boisseaux (13934 litres) d’avoine soit 48,4 litres/ha + 38 livres et 16 sols soit 0,14 livres/ha + 11 poulets et 4 chapons.
Remarque : Toute comparaison avec le loyer actuel de la terre est impossible car, d’une part on ne connaît pas le rendement d’avoine par ha, d’autre part la détermination de la valeur de la livre par rapport à l’euro est un sujet de controverses.
4-QUESTIONS SUR L’ORIGINE DU NOM JUVÉNAL DES URSINS.
- a) LA FAMILLE.
Le premier personnage qui rendit cette famille célèbre est Jean JOUVENEL né vers 1350/1360, originaire de Troyes et qui fut Prévôt des marchands de Paris puis Avocat du roi au Parlement, il occupa ensuite des postes importants en Guyenne, et à Toulouse, et enfin il fut Président du Parlement de Poitiers. Il eut 16 enfants ; d’après L. BATIFFOL, quatre d’entre eux eurent des carrières remarquables : Jean, archevêque et duc de Reims ; Guillaume, chancelier de France ; Jacques qui succéda à Jean à Reims et Louis, chambellan du roi. J’ajoute Michel (1408/1471) qui devint seigneur de Doue en 1449 (d’après SCHELSTRAETE p.36), en 1452 d’après le Palais de l’Honneur. Le père, mort en 1431, porta toujours le nom de JOUVENEL ; en 1438 apparaît le nom de JUVENEL (ou JUVÉNEL) des URSINS ; Jean l’archevêque adopte en 1461 le nom de JUVÉNAL des URSINS, qui deviendra celui de toute la famille.
Les différents seigneurs de Doue qui appartiennent à cette famille sont successivement Michel, Jean , François I, Christophe et François II. Ce dernier meurt : « François Juvenal des Ursins 2è du nom, Marquis de Trainel, Baron de Neuilly, Seigneur de Doüe en Brie, Chevalier des Ordres du Roy, Ambassadeur à Rome sous le pontificat de Paul V, Mareschal du Camp et des Armées de sa Majesté, mourut en sa maison de Doüe en Brie, le 9 octobre 1650 âgé de 81 ans, en sa personne périt cette maison (famille), dont il a substitué le Nom et les Armes à François de Harville, Marquis de Palaiseau, son petit neveu. » Le Palais de l’Honneur contenant les généalogies historiques…. Paris 1663, chez Estienne Loyson. p.704.
- b) URSINS DÉRIVE DE ORSINI.
ORSINI est, parmi d’autres, le nom d’une famille italienne très puissante au Moyen Age et à la Renaissance ; on y compte deux papes et au moins 5 cardinaux et une foule de personnages, hommes et femmes, importants.
Jean, archevêque de Reims écrit une Histoire (qui serait plutôt une Chronique) de Charles VI ; il y déclare que la famille des Ursins est une branche de la famille ORSINI. Elle serait venue en France par un Napoleon des URSINS, évêque de Metz. Un autre document issu de la famille ORSINI précise que l’évêque en question serait le fils d’un Napoleon URSIN vivant au 13ème s., et qu’il aurait un frère. Enfin un document généalogique précise que ce frère s’appelait Giovenale en italien, d’où Juvenalis en France. Il y aurait ensuite de père en fils un Mathieu Juvenalis, puis Pierre Jouvenel, le père du Prévôt des marchands. L’histoire racontée par ces documents est confortée par des signes (Jean est sacré évêque à Rome par un cardinal ORSINI), par l’adoption par les URSINS du blason des ORSINI, sans que la famille italienne y trouve à redire ; etc. On en était là lorsqu’en 1680, Du CHESNE (dans Histoire des Chanceliers) contredit cette version. .
- c) UNE AUTRE VERSION.
A partir de Du CHESNE, l’origine du nom JUVÉNAL DES URSINS devient l’objet d’une polémique. L. BATIFFOL démonte tous les arguments en faveur de la thèse ORSINI, en particulier parce que les documents mis en avant n’ont pas de validité historique ; il considère donc que les efforts faits par la famille JUVÉNAL ne sont que des moyens de se faire valoir à la façon dont la famille COLBERT a cherché un anoblissement au 17ème s. Par ailleurs il pense que si la famille ORSINI n’a pas réagit à l’usurpation du blason c’est parce que, même si c’étaient des parvenus, les JUVÉNAL constituaient une famille importante. Il reste l’hypothèse du duc de SAINT-SIMON qui parlait de « ces JOUVENEL si plaisamment dits des Ursins » : Jean JOUVENEL a été remercié pour son action comme Prévôt des marchands de Paris par le don de l’hôtel des Ursins, et la famille en a pris le nom. D’où viennent ces Ursins là ? Certains supposent qu’il s’agit d’un avatar de Lurcine ou Lourcine, ancien nom de rue à Paris. Cette version semble la plus vraisemblable ; elle est adoptée par J. SCHELSTRAETE p.38.
- d) UN FAIT TROUBLANT.
Comme on peut le voir ci-après, dans la liste des hameaux de Doue à l’alinéa Les Neuillis, il y a là au 18ème s. une petite région qui porte le nom de domaine féodal et appartient, non pas à ‘HARVILLE mais aux MONTMORENCY. Cette curiosité m’a fait rechercher s’il y avait quelque point commun entre les MONTMORENCY d’une part et les d’HARVILLE ou les JUVÉNAL d’autre part :
….Pierre II de Montmorency (1)……………..Antoine de Harville (2)
…………………..I…………………………………………………..I
………—————————……………………—————————
…………………..I……………………………………I………………………….I
……………François (3) <—————-> Isabelle (4)……….François (5)
1 = Marquis de Thury, baron de Fosseux. 2 = Seigneur de Palaiseau ; mari de Isabelle Favier du Boulay. 3 = François de Montmorency ; marquis de Thury et de Fosseux, 04/11/1614-25/02/1684 épouse en 1644 Isabelle de Harville. 4 = 1629-21/10/1712, épouse François de Montmorency. 5 = François de Harville 1630-16/10/1701, Marquis de Palaiseau et de Trainel ; seigneur de Doue. D’après racineshistoire.free.fr ; généalogie des Monmorency et des Harville. On peut donc supposer qu’il y a eu un arrangement familial pour la terre des Neuillis.
5- GUERRE 1914-1918
- a) DOUE pendant la guerre d’après les délibérations du Conseil Municipal
La célébration du 80ème anniversaire de la fin de la Grande Guerre a été, pour moi, une occasion de rechercher, à travers les délibérations du Conseil Municipal, quelles ont été les conséquences de la guerre dans la commune de DOUE. Le Conseil de l’époque était présidé par Pierre CHARPENTIER, maire, assisté de Henri BABILLON, adjoint; il avait été élu en mars 1912 et comprenait 12 membres au total.
Le 3/08/1914, le Conseil est réuni en session extraordinaire; suite à une demande du préfet, il “décide d’accorder des secours aux familles nécessiteuses (privées du père de famille par la mobilisation générale)”.
Le 18/10/1914, le Conseil est présidé par l’adjoint. Le maire, mobilisé, est absent; il reviendra au Conseil à partir du 10/06/1916.
Le 19/12/1914, le Conseil demande au préfet l’autorisation de mandater sur les “dépenses imprévues” la dépense occasionnée par l’achat de sacs destinés à liver les marchandises lors des réquisitions militaires.
Le 5/01/1915, le Conseil est réuni parce que, “vu les circonstanes actuelles, plusieurs dépenses, telles que le secours aux réfugiés, n’ont pas été prévues au budget. Les crédits des dépenses imprévues étant épuisés “, l’adjoint propose un prélèvement de 1000 francs sur le crédit de 2336 francs destiné à l’entretien des chemins ruraux.
Commentaire : On constate ici, comme lors des délibérations des 3/08/1914, 19/12/1914, 28/11/1915 et du 11/02/1917 que le budget communal participe indirectement à l’effort de guerre.
Le 23/02/1915, H. BABILLON, adjoint, devant être mobilisé, le Conseil désigne Henri LANIESSE pour faire fonction de maire pendant l’absence du maire et de l’adjoint.
Le 23/05/1915, le Conseil est réuni pour nommer l’un de ses membres “qui devra assister à l’enquête cantonale pour les dégâts matériels causés par l’invasion “. Henri LANIESSE est élu.
Commentaire. Quelles ont été les circonstances de l’invasion ? Les 3 et 4 septembre 1914, les troupes allemandes, venant du Nord, franchissent la Marne dans notre département; le 4 au matin un avion de reconnaissance du Camp retranché de Paris signale une division allemande à Pierre-Levée et des troupes à Bouleurs (*) : il est probable que Doue est atteint, voire dépassé dans cette même journée. Les troupes alliées (anglaises probablement) faisant retraite dans le même temps, il n’y a, semble-t-il, que des combats de retardement. Le Larousse Universel en 2 volumes (édition 1922) situe le front allemand le 5 septembre sur le Grand Morin; l’attaque du flanc de la Ière armée allemande par les troupes du Camp retranché de Paris (6ième armée) étant déclenchée le 6 septembre (*), il est vraisemblable que le Grand Morin est la limite d’avance du gros des troupes allemandes. La contre-attaque alliée se déroule vers le Nord à partir du 7 septembre; le même jour les troupes anglaises sont à Coulommiers (*), le lendemain elles sont à Boitron (*); Doue a donc dû être libéré ce même jour. Cette fois ce sont les Allemands qui font retraite; il n’y a que des combats retardateurs car le chef de la Ière armée allemande regroupe délibérément ses troupes vers l’Ouest, principalement au Nord de la Marne, pour faire face à l’offensive de la 6ième armée française (*).
Voir Compléments ci-après. (*) Renseignements puisés dans La Marne, de G. BLOND.
Le 28/11/1915, le Conseil décide que “M. BRUN, entrepreneur de transports, recevra une indemnité de 50 francs pour le transport des chemises pour militaires”. Il décide également d’accorder une subvention de 100 francs à l’oeuvre du Sou des Prisonniers.
Le 20/02/1916, “le Conseil décide d’accorder une subvention de 25 francs par mois pour l’oeuvre du Sou des Prisonniers”.
Le 24/09/1916, “Mr le Maire (H. LANIESSE) donne lecture au Conseil d’une lettre de Mr le Maire de la Ferté-sous-Jouarre demandant la collaboration de la commune de Doue pour aider au regroupement des documents intéressants la guerre pour tirer une brochure qui sera distribuée dans toutes les communes de la région.”
Commentaire : A notre connaissance, il n’y a pas eu de brochure.
Le 11/ 02/1917, “le Conseil décide d’accorder une indemnité de 100 francs à Mr BEAUDOUIN pour la paille qu’il a fournie pour le cantonnement des troupes.”
Le 10/01/1918,.“Indemnité de cherté de vie accordée aux cantonniers. Le Conseil décide d’accorder pendant la durée de la guerre une indemnité de 1 franc par journée de travail, soit 23 francs par mois aux deux cantonniers.”
Le 4/05/1918, en fonction d’une circulaire du sous-préfet “relative au logement des réfugiés ou rapatriés”, le Conseil doit “désigner deux répartiteurs qui devront faire partie de la commission ayant pour but de désigner les maisons à louer et disponibles pour les besoins demandés.”
Le 6/03/1919. “Mr le maire donne lecture de la liste d’assistance médicale gratuite telle qu’elle a été dressée par le Bureau de Bienfaisance. Le Conseil… décide d’ajouter les additions qui suivent : tous les mutilés de guerre…” “Le Conseil décide d’accorder une subvention de 100 francs pour le monument commémoratif que la ville de Coulommiers se propose d’élever aux soldats de l’arrondissement (*) morts pour la patrie.” “La commune de Doue se propose d’élever aussi un monument à ses enfants morts pour la patrie. A cet effet il sera procédé à une souscription faite dans toute la commune.” “Le Conseil émet le voeu que le pont de la Ferté-sous-Jouarre, pont du chemin de fer(**), soit reconstruit dans le plus bref délai.” “Le Conseil accorde la somme de 15 francs à Mr LANGRY Alexandre pour un charroi qu’il a fait de Doue à la Haute-Maison (transport d’outils militaires).” “Il a été décidé que la commune de Doue réclamerait dans le plus bref délai possible une indemnité pour les dommages de guerre subis en 1914.”
Commentaires : (*) L’arrondissement de Coulommiers a existé jusqu’en 1926. (**) Il s’agit du chemin de fer local qui allait de la Ferté à Montmirail par la vallée du Petit Morin; le pont se trouvait à côté du pont routier sur la N3, près du rond-point et du monument des Anglais.
Le 10/07/1919. “Le Conseil demande que les trous pratiqués pour emplacement de batteries soient rebouchés dans le plus bref délai possible.”
Commentaire : Quand ces trous ont-ils été faits ? Il paraît peu probable que ce soit en 1914, parce qu’on avait alors une guerre de mouvement. Peut-être en juillet 1918, au moment de la dernière offensive allemande, qui s’arrêta à Château-Thierry.
- b) COMPLÉMENTS.
Sources : www.seine-et-marne.gouv.fr Seine-et-Marne. Théâtre des combats. 1914-1948. [SM] ci-après.
www.sambre-marne-yser.be. Bataille de l’Ourq. 5-10 septembre 1914. (Cartes )
Les troupes allemandes qui vont traverser la Marne à la Ferté-sous-Jouarre et passer à Doue appartiennent au 4ème Corps d’Armée de la 1ère Armée du général von KLUCK., à La Ferté-sous-Jouarre, “à 4 heures du matin le 04/09 le pont de la ville (miné par le Génie anglais) saute mais seules deux arches sont démolies. A 7 heures l’avant-garde allemande et les pontonniers arrivent , puis le gros de la troupe qui prennent le pont et le réparent en 2 heures. Et pendant deux jours vont passer les troupes du 4ème Corps d’Armée.” [SM]. Le 05/09 les Allemands sont sur une ligne sinueuse, orientée grossièrement nord-ouest/sud-est et passant par Saint-Soupplets, Crécy-en-Brie, Morcerf, Jouy-le-Châtel; elle tourne ensuite vers l’est jusque Villiers-Saint-Georges; ils sont donc au-delà du Grand-Morin. Le corps anglais du général FRENCH est en face d’eux dans la région Morcerf/Rozay. Cette ligne est l’avance ultime des Allemands qui se replient aussitôt : le 06/09 ils sont sur le Grand-Morin et “le 06/09 en fin de journée… un mouvement de retraite se dessine chez les Allemands de La Ferté. Le lundi 07/09 la retraite des Allemands s’accentue, l’infanterie repasse les ponts.” [SM]. Ce même jour les Anglais sont sur la ligne La Haute-Maison/Rebais; le lendemain ils sont sur la Marne.
2-LES BRITANNIQUES DANS LA GRANDE GUERRE.
Septembre 1914. De la bataille des Morins à la bataille de la Marne. par Vincent MAJEWSJI. Ed. Fiacre. 2008.
- a) LE CORPS EXPÉDITIONNAIRE BRITANNIQUE.
Sous le commandement du général FRENCH, il comprend : le Ier Corps d’Armée commandé par HAIG avec les 1ère et 2ème DI, le IIème Corps d’Armée commandé par SMITH-DORRIEN avec les 3ème et 5ème DI, le IIIème Corps d’Armée commandé par PULTENAY, une division de cavalerie commandée par ALLENBY et un groupe d’aviation avec 63 avions.
Le corps expéditionnaire s’inserre entre la 5ème Armée française à sa droite et la 6ème Armée française à sa gauche.
D’après MAJEWSKI p.11 et 12.
- b) L’AVANCE ALLEMANDE.
b1 Premiers combats en Seine-et-Marne. Le corps expéditionnaire accompagne l’armée française dans sa retraite à partir de la frontière du Nord. Le 2 septembre les Britanniques entrent en Seine-et-Marne et s’établissent sur une ligne Meaux-Dammartin en Goële. Dans le cadre de la manœuvre de JOFFRE qui envisage une contre-offensive basée sur la Seine, « il est demandé aux forces anglaises de tenir d’abord la ligne de la Marne puis de se retirer vers la rive gauche de la Seine. » MAJEWSKI p.21. Les 3 septembre elles sont à la Ferté-sous-Jouarre. Elles se replient vers Coulommiers en fin de journée. Les Allemands passent la Marne à la Ferté dans la matinée du 4 septembre.
D’après MAJEWSKI p.19 et 24.
b2 Doue. « A l’aube (du 4 septembre) les 3ème et 5ème Cavalry Brigades sont à Doue et lancent des reconnaissances surs les rives du Petit Morin. Des éléments du Royal Scot Greys (*) rejoignent Rebais dans l’espoir d’y retrouver la cavalerie française (de la 5ème Armée)… Ce sont des forces ennemies qu’ils rencontrent à Rebais… Vers 11h45, venant de Boitron et Sablommières, trois bataillons allemands avec artillerie et cavalerie, avancent prenant la 5ème Brigade sous leur feu à 2 km à l’est de Doue… La cavalerie atteint Coulommiers vers 18 heures. » MAJEWSKI p.25.
(*) Régiment de dragons appartenant à la 5ème Cavalry Brigade ; de tradition anciennne, ce régiment était présent à Waterloo. Grey (gris) parce que la robe des chevaux était grise.
Remarque : L’enfoncement du front français était plus important vers l’est ; cela a provoqué l’apparition dans la région de Coulommiers, d’une ligne de front orientée presque nord-sud. L’infanterie britannique a ainsi fait retraite nord-sud à partir de la Ferté par Aulnoy, et à partir de Sammeron par Giremoutiers et Mouroux. La cavalerie britannique placée à Doue avait pour mission de protéger le flanc est de l’infanterie pendant cette manœuvre ; du fait de la forme de ce front les Allemands ont été conduits à manoeuvrer d’est en ouest, d’où ce qui est décrit ci-dessus.
b3 Arrêt de l’avance allemande et recul. Le 4 septembre au soir les Britanniques sont entre Lagny et Serris, autour de Crécy et au sud de Coulommiers. Le 5 septembre ils sont établis sur la ligne Ozoir-la-Ferrière/Tournan/Rozay-en-Brie. A partir du 6 septembre les troupes de FRENCH progressent vers l’est.D’après MAJEWSKI p.26.
- c) LA BATAILLE DU PETIT MORIN.
Au soir du 7 septembre (les Britanniques) sont à cheval sur le Grand Morin ; au nord du fleuve il y a. les 3ème et 5ème Cavalry Brigades à l’ouest de Rebais, et le IIème Corps de Chauffry à Coulommiers et Aulnoy.
La progression commence le 8 septembre dès 4 heures du matin. A 8 heures l’infanterie britannique approche de Jouarre ; la 3ème Cavalry Brigade est sur les hauteurs de St-Cyr-sur-Morin bientôt rejointe par l’infanterie ; la 5ème Cavalry Brigade est entre Bois-Baudry et Gibraltar et est soutenue par l’infanterie à partir de 9 heures. En conclusion dès 8 heures Doue est libéré. Vers 15 heures le corps expéditionnaire est partout sur la rive sud de la Marne, qu’il franchira le 9 septembre. D’après MAJEWSKI p.27 à 38.
«Des canons allemands placés dans les carrières de l’Hermitière (hameau de St-Cyr) tirèrent dans la direction de Doue. La réponse ne se fit pas attendre. » MAJEWSKI p.35. Il y a environ 6 km à vol d’oiseau, les obus d’un canon de campagne comme le 75 français ou le 77 allemand pouvaient atteindre Doue.
« Peu avant 15 heures, le général FRENCH quitte le champ de bataille. Il passe par Doue, au quartier général de son bras droit SMITH-DORRIEN et rentre à son GQG de Coulommiers. » MAJEWSKI p.39.
Remarque : Le village de Doue a été le témoin le 4 et le 8 septembre de deux épisodes particuliers, peut-être à cause du croisement de deux axes routiers est-ouest et nord-sud, mais surtout à cause de l’excellent poste d’observation constitué par la butte.
- e) L’EXODE DE 1914.
L’abbé LAPPARA, curé de St-Cyr-sur-Morin a fait le récit suivant : « Le 3 septembre, les bruits les plus divers et contradictoires circulent sur l’arrivée des Uhlans (*) . On ne reçoit plus de journaux… On sait que les Anglais et les Français reculent sur Paris. De mauvaises nouvelles nous arrivent de la Ferté-Milon, de Lizy-sur-Ourcq, de Dammartin… Ce n’est plus qu’un défilé incessant de femmes avec voitures d’enfants, de vieillards, d’ouvriers portant des paquets, traînant des voitures à bras ou poussant des brouettes chargées de paquets divers, d’attelages de gros bœufs et de chariots venant de l’Oise… de l’Aisne… Mais ce qui a le plus affolé les habitants, c’est lorsqu’ils reconnurent dans le défilé des gens des environs : de Luzancy, de Saacy, de Nanteuil-sur-Marne… Beaucoup décident de fuir, quelques-uns restent. » MAJEWSKI p. 52 et 53. (*) Terme d’origine turque puis polonaise qui désignait les lanciers à cheval de l’armée allemande. On les voyaient en premier car ils étaient chargés de reconnaître le terrain et l’ennemi.
Remarques : 1) On peut penser que c’est à la même date du 3 septembre que certains, ou la plupart, des habitants de Doue sont partis comme ceux de St-Cyr. 2) Avec quelques automobiles en plus cette description correspond à ce que vivront ceux qui partiront en exode 25 ans plus tard.
6-MÉLANGES.
- a) CAMPAGNE DE FRANCE 1814.
«C’est sur cette hauteur (*) que NAPOLEON le 02/03/1814 résolut d’attendre les Alliés qui le suivait et de leur livrer bataille, mais le duc de RAGUSE qui se trouvait à la Ferté-sous-Jouarre et auquel il avait été ordonné de venir occuper la butte de Doue avec son artillerie, n’ayant pas exécuté l’ordre reçu, l’Empereur ne put attendre l’ennemi bien supérieur en nombre. » Revue de Champagne et de la Brie. 1891, p.215. (*) Il s’agit du bois de Lagrange, qui a été un lieu fortifié probablement à l’époque romaine. Son altitude est supérieure de 2 à 3 m à celle de la butte de Doue. Ce bois, dont il reste peu de chose, se trouve près et au sud de la Boyère (hameau de Rebais).
- b) A PROPOS DE JUVENAL DES URSINS ET D’HARVILLE.
« En 1500, Jean JUVENAL des URSINS assista comme seigneur de Doue, à la rédaction de la Coutume de Meaux. » PASCAL Felix (voir en Géographie) p.56.
«On a rapporté d’autant plus volontiers le dispositif de ce arrêt (*) en ce lieu , qu’il a été rendu à l’occasion de la Justice de la Seigneurie de la Bergeresse, paroisse de Saint Germain-sous-Doue en Brie, qui touche à celle de Doue, qui sont des terres qui ont fait les premières richesses du célèbre Jean Jouvenel, Avocat en Parlement, ensuite Avocat du Roi, Prévôt des Marechands de Paris et grand bienfaiteur du Peuple sous Charles VI, lesquelles terres se sont perpétuées dans ses descendants, si connus parmi la Noblesse Française sous le nom des Ursins. C’était aussi ces mêmes terres où était le patrimoine de la famille de Jean des Mares (des Marès pour J. SCHELSTRAETE) , autre célèbre Avocat du Roi sous Charles V, y ayant encore dans la terre de Doue un pré qui se nomme Pré des Mares, et l’ancien Nécrologue de l’Eglise de Doue faisant mention d’un Obit (messe anniversaire d’un décès) pour les des Mares, y ayant aussi dans le Trésor du Château de Doue le testament d’un fils de Jean des Mares, qui parle de la sépulture de son père en l’Eglise de sainte Catherine du Val des Ecoliers de Paris… J’ai remarqué aussi dans la généalogie de la Maison de Jean Jouvenel… qu’il y eut alliance entre cette Maison et la famille de des Mares.» De la manière de poursuivre les crimes dans les différents tribunaux du royaume avec les lois criminelles, depuis 1256 jusqu’à présent. Tome I. 1739. p.266. (*) Arrêt d’octobre 1711 contre le bailli de Coulommiers, le prévôt et le procureur fiscal de la Bergeresse, qui sont condamnés à annuler un jugement.
Bailli : Représentant du roi ou d’un seigneur ; la fonction a évolué dans le temps et selon les lieux ; j’ai retenu la définition du dictionnaire de TRÉVOUX 1743/1752 : «Il est resté aux baillis ou sénéchaux plusieurs prérogatives et fonctions considérables. Personne ne peut être reçu en leur office, qui ne soit gentilhomme de nom et d’armes ; ils sont toujours les chefs de leur juridiction ; c’est en leur nom que la justice y est rendue et que les contrats et autres actes sont intitulés. La convocation et la conduite de l’arrière-ban (convocation de la noblesse pour la guerre) leur appartient. Ils peuvent, s’ils le veulent, présider à tous les jugements qui se rendent, en s’abstenant d’y opiner (dire son avis). » Prévôt : « Agent du pouvoir seigneurial : il administre, juge, perçoit taxes et amendes au nom du seigneur. » universalis.fr. Procureur fiscal : « Officier qui exerçait le ministère public auprès des justices seigneuriales. » LITTRÉ.
- c) A PROPOS DE SOINS ANCIENS.
Août 1753. « On nous a dit qu’il avait régné à Douë en Brie, terre appartenant à M. le Marquis de TRENEL, et dans les paroisses circonvoisines, des fluxions de poitrine d’un même caractère que celle du grand Charonne (*); qu’on employa beaucoup de saignées dans les commencements, et que peu de malades en réchappèrent. On attribua ce mauvais succès (!!) aux fréquentes saignées. » Journal économique ou mémoires, notes ou avis sur l’agriculture, les arts , le commerce et tout ce qui peut avoir rapport à la santé, ainsi qu’à la conservation et à l’augmentation des biens de la famille, etc. 1753. p.141 et 142.(*) «Le territoire de Charonne se composait du grand Charonne ou Charonne proprement dit, que traversait la grande rue (aujourd’hui rue de Bagnolet) et le petit Charonne… » L . LAMBEAU. Histoire des communes annexées à Paris. 1916/1921.
Au 19ème s., l’hôpital de Rebais, tenu par les sœurs de la Présentation de la Vierge, avait vocation à acceuillir les malades du canton de Rebais, dont ceux de Doue ; il ne comprenait que 6 lits. D’après La France charitable et prévoyante. Tableau des œuvres et institution du département de Seine-et-Marne. Plon. 1896.
- d) A PROPOS d’AGRICULTURE.
d1 Pour conduire le cheval dans la Brie.
Hue = pour faire avancer Hûo = pour faire arrêter
Hûoh = pour faire tourner à droite Dia = pour faire tourner à gauche
Errière ou urrière : pour faire reculer
Les dictons de Seine-et-Marne colligés par A . FOURTIER. 1872. p. 60.
d2 Un coutume ancienne. « En août le berger… doit mener et tenir (ses bêtes) dans les chaumes et éteules (synonyme de chaume) où les blés et avoines ont été soyés (du verbe séer, scier, donc moissonner). Et illec (là) doivent prendre les brebis leur pâture et non ailleurs, au moins selon la coutume de France et de la Brie, laquelle est telle que chaque berger peut mettre ses brebis dans les chaumes aux champs tout aussitôt que les gerbes en sont ôtées. » Jehan de BRIE. p.114.
III-SOUVENIRS.
mise à jour : 14/06/2016
1-PROLOGUE.
Je m’appelle Maurice BURTEAUX; je suis né en 1930 au n°3 de la Place de Verdun à Doue. Mes parents habitaient là depuis environ un an. Ils étaient gérants de la succursale n°120 de l’Union Commerciale; cette société, dont le siège était à Villenoy, 77124, possédait dans le nord de la Seine-et-Marne des épiceries exploitées en gérance. Les gérants étaient des employés payés avec un fixe et un intéressement aux ventes. Comme on le voit sur une carte postale dans [DJS] p.152, l’Union Commerciale a succédé en cet endroit à un magasin d’Épicerie, Mercerie, Rouennerie (Toiles de coton peintes fabriquées à Rouen, ou par imitation dans d’autres fabriques. LITTRÉ.).
Le bâtiment comprenait en bas une grande pièce sur la rue servant de magasin, puis vers l’arrière une pièce aveugle utilisée comme réserve et enfin la cuisine donnant sur une courette fermée où se trouvaient les toilettes. L’étage était réservé à l’habitation des gérants, au pluriel car l’Union Commerciale employait le couple. La vente en boutique n’était pas suffisante pour assurer un revenu convenable et mon père faisait donc des tournées; pour cela la société mettait à sa disposition un cheval et une voiture fermée sur les côtés et à l’arrière; cheval et voiture logeaient dans une grange au fond de la place de Verdun. Les tournées étaient faites sur le territoire de la commune avec une extension vers l’est jusqu’à Champlion, hameau de la Trétoire, et une autre vers l’ouest jusqu’à La Brosse, une ferme sur la route de Pierre-Levée.
Étant donné l’emplacement de la maison, mon terrain de jeu était souvent la place de Verdun; elle était alors couverte d’une herbe rase et était ornée d’un gros marronnier que l’on peut voir sur les deux cartes postales dans [DJS] p.147 et dont on reparlera. Sur la photo du bas il est encore bien petit et le texte laisse entendre qu’il est contemporain de la “nouvelle” mairie (donc de l’actuelle), c.-à-d. qu’il aurait été planté vers la fin des années 1880. La pompe qui se trouve près du n°4 assurait la fourniture publique de l’eau; par ailleurs il existait de nombreux puits, comme dans la Cour du Pressoir et chez les particuliers. Bien que l’électricité ait été installée dans Doue depuis quelques années, je ne l’ai connue à la maison qu’en 1938. En juillet, on érigeait sur la place une grande tente avec un parquet pour danser; c’est là que se faisait la distribution des prix qui, vers le 14 juillet, terminait la période scolaire.
Quand j’étais petit, nous avions un chien, c’était un berger briard, de couleur noire avec des poils très longs ; ce sont les seuls souvenirs qui m’en restent. Les sites Internet qui en parlent le décrivent comme un bon chien, gentil et intelligent. Je pense que mes parents l’avaient acquis dans la ferme où ils travaillaient avant de venir à Doue.
2-DOUE DES ANNÉES 1930 AUX ANNÉES 1950.
- a) L’IMPACT DE L’AGRICULTURE.
Dans le village, on comptait 3 fermes : en haut à gauche de la rue du Général d’Harville, au croisement de la rue de la Croissette et de la rue du Pont-de-Pierre, à gauche au bout de la rue des Écoles (*). Le soir, le retour des vaches à l’étable assurait l’animation et la décoration des rues par de grosses bouses. Après la traite du soir, on allait acheter son lait dans l’une ou l’autre de ces fermes ; c’étaient surtout les enfants qui étaient chargés de cet achat et l’étourderie classique consistait à mettre la monnaie dans la « boîte à lait » et à s’en souvenir quand cette boîte avait été remplie de lait.
(*) L’exploitant de cette ferme venait labourer le terrain derrière la maison de la rue Champenois où nous habitâmes après la guerre et il y plantait du blé ; le portail était trop étroit pour laisser passer la moissonneuse (qui n’était pas encore batteuse, ni même tractée mais tirée par un cheval), on récoltait donc à l’ancienne : mon père et le fermier coupaient le blé à la faux et les femmes et moi, armés d’une faucille, formions les gerbes de blé. Plus tard dans la saison j’allais aider au battage à la ferme.
Dans le village, on décomptait aussi plusieurs artisans dont la principale clientèle était agricole et dont les métiers reflètent la condition de l’agriculture de l’époque : 1) un forgeron n°7 rue du Général d’Harville ( voir photo du haut p.154 dans [DJS]), 2) un forgeron et maréchal-ferrant au n°28 rue Renoux-Prieux ; on y voyait un « travail », sorte de charpente où le cheval était maintenu pendant qu’on le ferrait, 3) un bourrelier n°5 rue Champenois, 4) un charron au fond de la rue de la Butte ; son stock de bois disposé debout dans le hangar ouvert, nous servait de terrain d’escalade et devant son atelier il m’est arrivé de voir cercler une roue en bois pour tombereau : le cercle de fer est chauffé pour être mis en place et la contraction qu’il subit lors de son refroidissement assure un vigoureux serrage de la roue.
Dans les hameaux, il y avait de nombreuses fermes, isolées comme à Villers, ou groupées, comme au Château; au total en 1942, on comptait 24 exploitations agricoles dans la commune. On pratiquait souvent la polyculture accompagnée d’élevage de bovins. Une partie de la production de lait était transformée en fromage (par exemple : coulommiers à Villers, brie de Meaux à La Loge (*)) ou plus rarement en beurre (au Château). Vers le début du 20ème siècle, les 2005 ha de la commune étaient occupés pour 1415 ha par les terres de labour et 250 ha de prairies ; on peut penser qu’on en était à peu près au même point vers 1950. Le nombre de chevaux (160 vers 1900) avait probablement diminué avec l’apparition du tracteur entre les deux guerres. (*) Le fromage de Brie est apprécié depuis longtemps : «Charles d’Orléans père de Louis XII recevait le 09/12/1407 ‘vingt dozaines de fromaige du païs de Brie pour être donnés aux estraines prochaines’. » Les dictons de Seine-et-Marne colligés par A. FOURTIER. Paris 1872.
Je termine par quelques dictons qui touchent à l’agriculture : Autant de brouillard en mars, autant de gelées en mai. Février comble ou vide les greniers. Année de gelée, année de blé, et sur le même thème : Beaucoup de foin, beaucoup de rien. Année de foin, année de rien. Année d’herbe, année de merde. (source : THÉVENOT et autres)
- b) AUTRES ARTISANS ET COMMERCES.
Dans le village, l’alimentation était représentée par 1) deux épiceries, celle de l’Union Commerciale (voir ci-dessus) maintenant disparue et l’actuelle épicerie, bureau de tabac au coin de la rue de la Butte (voir photo du bas p.148 dans [DJS]), 2) deux bouchers, l’un rue Renoux-Prieux, l’autre au n°2 place de Verdun ; c’était notre voisin et j’allais souvent voir l’abattage des animaux qu’il pratiquait dans un, bâtiment de la cour qui jouxte le restaurant Sainte-Catherine, 3) un charcutier, rue Renoux-Prieux, 4) le boulanger encore présent récemment dans la même rue. Dans la Notice historique de Réthoré, 1892, on signale, pour la commune, 6 épiceries et 2 boulangers : il y avait des épiceries dans les hameaux et peut-être un deuxième boulanger à Doue (Une carte postale visible sur Internet.semble confirmer cette hypothèse).
La restauration comprenait déjà Sainte-Catherine et Saint-Eloi ; ce dernier était un « Café, billard, restaurant » sur la photo du haut p.148 dans [DJS] ; avant la guerre dans la grange du restaurant qui se trouvait à côté du n°2 de la place et qui a été transformée, il y avait des séances de cinéma ambulant.
En plus de ceux qui ont été cités ci-dessus, le village comprenait comme artisans, 1) un menuisier au coin de la place du Pressoir, 2) un ferblantier au n°6 de la rue Champenois, qui tenait aussi un magasin de quincaillerie et (à partir de quand ?) une pompe à essence, 3) deux entreprises de maçonnerie dans la rue Champenois ; la plus importante, au n°15, fabriquait aussi le cidre à façon avec les pommes que chacun apportait. Je n’oublie pas, dans le même ordre d’idée, l’alambic qu’on installait au début de l’hiver à côté du lavoir des Fosses et où on apportait les tonneaux de fruits fermentés qui servaient de matière première à la fabrication de la « goutte ».
3-LA GUERRE 1939/1945 ET SES CONSÉQUENCES.
- a) LA GUERRE.
Le 01/09/1939 la guerre est déclarée; je n’ai aucun souvenir marquant de ce moment-là; comment réaliser l’importance d’un tel événement quand on a 10 ans ? Il est probable que mon père, ancien de 14/18 s’est bien gardé de m’expliquer ce que cela pouvait signifier en peurs, souffrances et difficultés de toutes sortes. Concrètement, c’est la proximité de l’État-Major du général GEORGES, chef des armées françaises du Nord et de l’Est, qui m’en fit connaître quelques aspects. Cet État-Major était installé à la Ferté-sous-Jouarre et des détachements étaient répartis dans toute la région. La maison achetée par mes parents rue Champenois était alors vide puisque nous habitions au magasin; elle fut donc réquisitionnée et occupée par un détachement de Transmissions. Ainsi s’installa la “drôle de guerre” qui s’achève brutalement le 10 mai 1940. Un mois plus tard, les armées françaises du Nord ayant été disloquées, les Allemands arrivent en Seine-et-Marne, et cela va très vite : 11 juin = bataille de Luzancy, 12 juin = les Allemands traversent la Marne à Sainte-Aulde, 14 juin = les Allemands traversent la Marne à Luzancy (et entrént dans Paris), 15 juin = ils sont à Melun, 16/17 juin ils sont à Château-Landon. La Seine-et-Marne a été traversée par les panzers en moins d’une semaine. Sources : site des archives de Seine-et-Marne. 39-45. En Seine-et-Marne des lieux, des hommes. Ce texte donne par ailleurs beaucoup d’informations sur la résistance en Seine-et-Marne
- b) L’EXODE.
Les prémices de l’exode avaient été le passage de réfugiés de l’Aisne; ils étaient juchés sur des chariots à quatre roues tirés par des boeufs, attelages inhabituels dans la commune. C’est probablement vers le 10 juin, que commença l’exode des habitants de Doue. A ma connaissance tout le monde est parti, mais est-ce bien le cas ? Nul doute toutefois que cela ressemblait à un départ massif. Que fuyait-on ? Certainement une zone de combats, car on créditait WEYGAND, l’ancien chef d’état-major de FOCH et devenu général en chef, d’une résistance sur la Marne, comme en 1914. Mais, autre souvenir de la Grande Guerre, on fuyait aussi le risque d’exactions de la part de l’armée allemande; risque qui était réel puisque 15 habitants de Villepinte, Mitry-Mory et Villeparisis ont été fusillés le 14 juin en représailles de la résistance opposée par les troupes françaises (source comme ci-dessus).
La voiture servant aux tournées fut chargée de provisions et de quoi coucher en route (les matelas sur la toit comme protection). L’institutrice, dont le mari était soldat, se trouvait seule avec sa fille de 2 ans; mes parents lui offrirent de l’emmener si bien que mes parents, la petite et moi étions dans la voiture et l’institutrice et ma soeur nous accompagnaient à bicyclette. Nous prîmes la route du Taillis et tout droit vers le sud. Cela nous amena à franchir la Seine à Bray où j’ai le vague souvenir d’une grosse pagaille pour passer le pont. L’étape était à Pont-sur-Yonne, on a dormi là et au réveil, les Allemands étaient également là. Et l’on prit le chemin du retour. Il faisait beau, on campait à la belle étoile après s’être regroupés avec ceux qui voyageait à notre allure : pour un enfant de 10 ans cet exode n’était pas déplaisant; il est vrai que contrairement à ce qui s’est passé en d’autres endroits il n’y eu pas de combats sur le trajet que nous avons emprunté.
Doue semblait vide, tout le monde n’était pas rentré et les adultes qui étaient là prenaient la mesure de la catastrophe, l’Occupation commençait. On écrivait sur les maisons bevohnte Haus (maison habitée; d’où cela sortait-il ?) pour éviter une éventuelle réquisition. Un camion transportant des munitions et qui avait été rangé sous le marronnier de la place, avait explosé et brûlé; une bonne partie de l’arbre était irrémédiablement brûlé; il fut abattu par la suite. Dans une maison de la rue Champenois on trouva un soldat mort. Le magasin de l’Union Commerciale avait été non seulement pillé, mais aussi complètement saccagé. Voilà les souvenirs que j’ai de ce retour d’exode.
- c) L’OCCUPATION.
J’ai été interne au collège de Coulommiers pendant cette période, il me reste donc peu de souvenirs de ce qui se passait à Doue. Je me rappelle 1) Les problèmes posés à mes parents par les tickets de rationnement. Par exemple une famille était loin d’avoir par mois assez de tickets pour acheter 1 litre d’huile, il fallait donc partager avec minutie le précieux liquide en part de 2, 3, 4 dizaines de centilitres. 2) Après l’épuisement des stocks disponibles en 1940, la qualité des produits est devenue de plus en plus médiocre, le savon de 1944 était un mélange de poussière de pierre et d’un peu de vrai savon. 3) Les difficultés d’approvisionnement ont été aggravées par la recrudescence d’un insecte qui ruinait les plantations de pommes de terre, le doryphore.Faute de produit de traitement, la seule parade était de ramasser les insectes sur les feuilles un par un. En contrepartie on rigolait en traitant les Allemands de doryphores parce qu’ils réquisitionnaient les pommes de terre pour leur usage. 4) Les jeunes hommes en âge d’être soldats étaient envoyés en Allemagne par le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire); ce fut le cas de notre voisin, le fils aîné du boucher. 5) Une ou peut-être plusieurs fois, mon père et les hommes du village, furent emmenés manu militari pendant une journée pour aller boucher les trous de bombes faits dans les pistes de l’aérodrome de Voisins.
- d) LE TERRAIN D’AVIATION.
A une certaine époque, je ne sais plus quand, l’aviation allemande avait établi un terrain à l’orée des bois de Doue, dans la grande encoche appelée Le Grand Étang de la Loge (cadastre 1960). Il y était stationnée une unité de chasse de nuit équipée de Messerschmidt 110 bimoteurs (*). Les avions étaient camouflés dans des emplacement ménagés dans le bois. Des canons automatiques de 20 mm installés sur des arbres sciés assuraient la protection contre avions. Concernant ce terrain, je fus témoin de deux événements.(*) Le site www.france-air-otan.net indique qu’une unité de ces appareils étaient stationnés à Voisins; il est probable que les quelques avions de Doue en dépendaient.
Mon père qui disposait de temps libre compte tenu de la faiblesse du commerce, avait pris en charge une coupe de bois qui se trouvait à environ 100 m des avions. Au mois de juillet 1944, j’étais en vacances et j’aidais mon père à ébrancher les arbres abattus et à manoeuvrer la scie passe-partout. Un bruit d’avions s’est fait soudain entendre et mon père réalisa de suite qu’il s’agissait d’appareils américains; nous nous couchâmes derrière le tronc d’un gros chêne abattu et pendant quelques minutes les balles de mitrailleuse sifflèrent dans les branches.
A un autre moment (*), nous étions 3 ou 4 gamins sous les tilleuls près de l’église. Quatre Thunderbolt P47 (*) américains firent leur apparition et, prenant l’alignement au-dessus de l’église, plongèrent vers les avions allemands en tirant. Ils firent ainsi deux ou trois passages. Malheureusement lors d’un passage un avion s’abattit dans les bois, probablement touché par les canons allemands. On a su après que le pilote était mort.
(*) J’avais écrit ce texte en 1994 à l’occasion du 50ème anniversaire de la Libération. J’ai trouvé récemment dans www.lepaysbriard.fr des 09/09/014 et 08/07/2015 d’autres informations qui corrigent et précisent ce premier texte : Cette douloureuse affaire s’est déroulée le 08/07/1944. L’avion abattu (et donc aussi les autres) était un Mustang P51. Le malheureux pilote était le lieutenant James L. PLOWER. L’avion est tombé dans les bois de Choqueuse (commune de Jouarre) qui sont contigus aux bois de Doue. Mes souvenirs étant imprécis, j’avais écrit que les avions étaient des P47 parce que pendant la bataille de France en 1944 cet appareil était habituellement chargé du mitraillage au sol, le P51 étant généralement réservé à la chasse pure.
Les Américains arrivèrent et utilisèrent à leur tour le terrain d’aviation pour des appareils légers de liaison. Un jour on y vît un bimoteur DC3 peint en kaki; c’était l’avion du général BRADLEY, commandant des troupes américaines en Europe.
- e) LA LIBÉRATION.
Le 26 août 1944, on commença à entendre le bruit du canon, signe que la bataille se rapprochait. Le 27 par précaution, mes parents ma soeur et moi passâmes la journée dans le champ sous un groupe de gros noyers qui ont été abattus depuis. Nous étions ainsi éloignés d’environ 200 m de la route qui ne manquerait pas d’être empruntée par les Allemands et les Américains, et au près de laquelle se trouve la maison.
Pendant la nuit, on entendit de grands bruits, en particulier de chenilles; c’était une unité de blindés allemands qui venait de l’ouest et se dirigeait vers Montmirail comme on l’a appris au matin par quelqu’un qui avait été questionné par les Allemands. Un char Panther avait d’ailleurs été abandonné au bord de la route entre La Loge et Les Fosses. D’après la carte de la libération de Seine-et-Marne publiée par l’ONAC en août 1994, il semble que l’unité de blindés appartenait à la 58ème Panzer Division.
Dans la journée du 28 août, les premiers éléments américains se présentèrent dans le village. Quelques véhicules de reconnaissance étaient arrêtés devant la mairie et nous étions nombreux, enfants et adolescents à tourner autour et à goûter aux premiers chewing-gum que nous eussions jamais vus. J’était là le seul collégien et donc supposé à avoir appris l’anglais. On me pressait donc de parler aux soldats, ce que j’étais bien en peine de faire ! Une section à pied se reposait à la sortie de Doue, le long du talus de la route de Saulsoy; nous étions à les regarder, l’un des soldats portait un colt façon western, à la crosse ouvragée; cela nous fit évoquer les cow-boys, ce qui déplut visiblement au militaire en question qui ne voulait probablement pas passer pour un vacher.
Entre la ferme de la Loge et les Fosses, dans un chemin de culture bordé de pommiers maintenant disparus, les Américains installèrent un grand dépôt d’essence avec une montagne de jerrycans. Pour alimenter en permanence le front en essence, munitions, nourriture et impedimenta divers, l’armée U.S. institua un réseau routier appelé Red Ball Express où les convois avaient priorité absolue, non seulement sur les civils , mais aussi sur le trafic militaire local. Les routes qui y étaient attribuées et les camions qui y roulaient étaient signalés par un rond rouge (Red Ball); près de Doue, la départementale 402 entre Coulommiers et la Ferté-sous-Jouarre a été ainsi Red Ball pendant quelque temps. J’ai eu l’occasion de voir quelques-uns de ces camions, des semi-remorques, probablement près du stock d’essence. Tout cela disparut avec l’avance vers l’est.
Le jour de l’arrivée des Américains, il y eu du remue-ménage dans la mairie ; des hommes armés s’y présentèrent comme des résistants et, d’après les bruits qui courraient, ils voulaient remplacer le maire. Je ne sais comment cela se termina. Par la suite il y eu des réunions le soit à St Eloi et c’est de là que qu’émergea la candidature de mon père au Conseil municipal puis sa nomination comme maire.
Doue a été libéré par la 3ème armée U.S. du célèbre général PATTON (*) qui contournait largement Paris par le sud. D’après le site section44.over-blog.com, Boissy-le-Châtel a été libéré le 27 août par la 90ème division U.S. qui appartenait à cette armée ; il est probable que ce sont des éléments de la même unité que l’on a vus à Doue le lendemain. D’après le même site, cette division était encore en forêt de Fontainebleau le 26 août : on mesure la rapidité de l’avance ! (*) En 1918, PATTON, alors lieutenant-colonel, a combattu en Lorraine à la tête d’une brigade de chars Renault FT.
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IV-ADJOINT AU MAIRE.
mise à jour : 03/08/2015.
J’ai eu l’honneur d’exercer pendant 12 ans la fonction d’adjoint au maire de Doue. Je remercie tous ceux, habitants de Doue ou membres du Syndicat de Secrétariat, qui m’ont, d’une façon ou d’une autre, apporté leur aide pendant ces deux mandatures. Dans ce qui suit, je rapporte quelques faits survenus durant cette période.
1-LE CADRE.
- a) LES ÉLECTIONS.
Début 1989. Nous avons fait une demande de permis de construire pour deux vérandas, l’une côté rue Champenois, l’autre côté jardin et nous attendons la réponse. Un jour le maire Louis MERCIER vient nous voir, il a des documents en main : les permis sont refusés par l’Architecte des Bâtiments de France qui n’autorise pas la construction des vérandas dans le périmètre de protection (*) de l’église, monument classé depuis 1922. Tant pis, nous ferons appel. Mais la visite du maire avait un autre objectif : il prépare la liste pour la prochaine élection du Conseil municipal et me propose de m’y faire une place. J’accepte. (*) 500 m.
Le jour de l’élection je découvre un aspect que beaucoup d’électeurs ne connaissent peu ou pas, c.-à-d. l’organisation du scrutin et le dépouillement. Il n’y a qu’une liste, le suspens est donc réduit à peu de chose. Doue, commune d’environ 1000 habitants, faisait alors partie des « communes rurales » définies comme ayant moins de 3500 habitants. Dans cette catégorie le scrutin était libre : la liste pouvait être incomplète, l’électeur pouvait rayer des noms et en ajouter (**). Lors du dépouillement je découvris dans une enveloppe une feuille de papier sur lequel la liste avait été recopiée dans son intégralité, mais dans un ordre différent ; je crois que ce bulletin était valable. Avec ce genre de scrutin, les résultats sont très dispersés et sur les 15 élus seuls deux avaient exactement le même nombre de voix. Le maximum (320 voix) était allé au maire sortant ; pour ma part j’avais 299 voix, ce qui me classait 9ème. Le jour de l’élection des responsables de la commune, le maire me proposa comme adjoint et le Conseil municipal m’élit 2ème adjoint. (**) J’ai ainsi été gratifié de quelques voix lors de l’élection de 2001 alors que je n’étais pas candidat.
L’élection de 1995 se présente de façon très différente : Louis MERCIER qui termine son 4ème mandat et le premier adjoint Charles PHILIPPE ne se représentent pas. Claude BERNARD prend la tête de la liste qui comprend un tiers de noms nouveaux ; cinq femmes y sont inscrites contre trois précédemment. Et nous affrontons une autre liste. Si au soir de la journée électorale tous les membres de la liste sont élus, le décompte des voix reflète les changements que je viens d’évoquer. Notre meilleur candidat a 276 voix ; pour ma part , je suis 10ème avec 257 voix ; c’est probablement ce que l’on appelle « l’usure du pouvoir » ! Claude BERNARD est élu maire par le nouveau Conseil municipal et je deviens premier adjoint.
Lors de l’élection de 2001, pour laquelle je n’étais que spectateur, il y eut 12 élus sur la liste conduite par le maire sortant et 3 élus sur l’autre liste. Dans le scrutin de liste habituel , les 3 candidats battus sur la liste du maire auraient été les 3 derniers de la liste, qui aurait ainsi conservé sa cohérence. Avec le régime propre aux petites communes, ce ne fut pas le cas à Doue car le maire sortant était l’un des battus. On voit ici quelle est l’incidence des règles sur le résultat (*). Dans ce cas, pour avoir travaillé pendant 6 ans avec le maire, je pense que ce résultat était injuste, mais la démocratie (**) est ainsi, chacun vote comme il l’entend. (*) Depuis 2014 la règle a changé, les listes ne peuvent plus être modifiées à partir de 1000 habitants. (**) dêmos, le peuple et kratos l’autorité.
Lors des élections, les élus et parfois les candidats, participent au déroulement du scrutin en veillant à la mise à disposition des enveloppes et des bulletins, en contrôlant l’accès à l’isoloir, en vérifiant les documents de l’électeur et la liste électorale, en faisant voter, en surveillant l’émargement de la liste. A la fin du scrutin, les mêmes assurent le dépouillement des votes : comptabilité des enveloppes, ouverture de celles-ci, énoncé de leur contenu, décompte des voix (dont l’inévitable exercice des bâtons), etc. Dans les petites communes, les mêmes, s’occupent souvent, avant et après le scrutin, de l’organisation matérielle. Toutes ces tâches, réglementaires et autres, concourent à l’expression du vote ; elles sont donc toutes importantes, même celles qui semblent les plus modestes et tout cela est à l’honneur des personnes qui les accomplissent.
- b) LES ÉCHELONS ADMINISTRATIFS.
La commune fait partie depuis l’origine du département de Seine-et-Marne. Au moment de la Révolution la région de Doue est coiffée par le district de Rozay-en-Brie, comme en témoignent les premières délibérations du Conseil municipal.
Lors de la création des cantons en 1790, Doue est rattaché à celui de Rebais qui comprend alors, outre Rebais et Doue, 16 communes : Bellot, Boitron, Chauffry, Hondevilliers, La Trétoire, Montdauphin, Montenils, Orly/Morin , Sablommières, Saint Cyr/Morin, Saint Denis lès Rebais, Saint Germain sous Doue, Saint Léger, Saint Ouen/Morin, Verdelot, Villeneuve/Bellot. En 2014, le canton est englobé dans le nouveau canton de Coulommiers qui comprend au total 51 communes.
En 1800, l’arrondissement de Coulommiers est créé ; le canton de Rebais y est rattaché. L’arrondissement de Coulommiers étant supprimé en 1926, le canton de Rebais est inclus dans l’arrondissement de Meaux, jusqu’en 2006 où il devient une partie de l’arrondissement de Provins.
Après la réforme de 2014, les communes qui composaient le canton de Rebais sont encore comprises dans l’arrondissement de Provins, bien que le chef-lieu du nouveau canton, Coulommiers, soit dans l’arrondissement de Meaux. D’après WIKIPEDIA.
- c) LES SYNDICATS DE COMMUNES.
En 1989, quand commençait mon premier mandat, il y avait au chef-lieu de canton un percepteur et une gendarmerie ; c’était là que l’on passait le Conseil de Révision, comme je l’avais fait vers mes 20 ans. La situation particulière de Rebais avait conduit 5 communes proches à s’unir pour créer un secrétariat unique géré par le Syndicat de secrétariat où étaient associées Doue, Rebais, Saint Denis lès Rebais, Saint Germain sous Doue et Saint Léger. Ce regroupement de moyens permettait, et permet encore, de recruter un Secrétaire général dirigeant un groupe de secrétaires qui partagent leur travail entre Rebais, où est le siège du syndicat, et des permanences tournantes dans les autres communes. On a ainsi de meilleures possibilités de gérer le personnel et les achats de matériel. A l’usage je trouvai ce système satisfaisant ; je constatai peu à peu qu’il n’était pas très répandu et donc que les 5 communes étaient en avance dans l’intercommunalité.
Le Syndicat des eaux, dont le siège était à Verdelot et le bureau à Rebais, avait la charge d’alimenter en eau un territoire qui, en gros couvrait le canton de Rebais -avec quelques exceptions-. Dans ce domaine, le groupement de communes s’imposait rapidement car d’une part peu de communes possédaient des ressources sur leur territoire et d’autre part les investissements lourds par nature n’étaient pas à la portée de chaque commune : il faut par ailleurs ajouter que les subventions étaient attribuées de façon à susciter des regroupement de communes. Bien géré, le syndicat qui était en même temps l’opérateur, fournissait une eau plutôt bon marché, mais on pouvait penser que les ressources propres deviendrait un jour insuffisantes. Je n’ai pas pu suivre l’évolution depuis le début des années 2000 mais je constate (voir www.comersis .fr) que Doue fait partie maintenant d’un Syndicat mixte fermé (*) d’alimentation en eau potable de la région nord-est de Seine-et-Marne qui comprend 50 communes. (*) Syndicat qui regroupe des communes et des Etablissements Publics de Coopération Intercommunale.
Le Syndicat Mixte Intercommunal de Collecte des Ordures Ménagères (SMICTOM) de la région de Coulommiers. Il rassemble actuellement 54 communes comme , de mémoire, dans les années 1990. Comme son appellation ne le dit pas, ce syndicat est également chargé du traitement des ordures et je ne me souviens pas exactement de leur ancienne destination ; maintenant elles sont traitées à l’usine de Monthyon. Au début des années 1990, le syndicat a mis en service la déchetterie en haut de la côte de Montapeine au-dessus de Coulommiers ; elle a eu un grand succés. Il est vrai que l’on revenait de loin : dans les années 1950 dans la pente au-dessus du terrain de football il y avait le dépotoir ; le terrain un peu aplati permettait d’approcher une brouette du vide et ainsi d’y basculer les ordures.
Le Syndicat Intercommunal d’Électrification de l’Arrondissement de Coulommiers ou SIER. Ce syndicat créé avant la suppression de l’arrondissement de Coulommiers montre que dans les années 1920 on se souciait de développer l’électrification des communes « rurales » (moins de 3500 habitants). Dans les années 1990 on y comptait une cinquantaine de communes ; la taille du syndicat, le caractère technique de son domaine (accroissement ou modification du réseau électrique, branchements, etc. ) et le caractère prospectif de certaines décisions (quelle sera l’évolution de la consommation d’électricité?), rendait très difficile la tâche des représentants désignés par les communes adhérentes et donc le choix de leur vote. Pour moi, on arrivait là à une limite dans l’exercice du vote, les propositions du bureau étant quasiment toujours acceptées avec des pourcentages « soviétiques ». Par ailleurs la référence au nombre d’habitants avait un effet pervers car lorsqu’une commune atteignait le chiffre fatidique de 3500, elle pouvait traiter directement l’électrification avec EDF et quitait donc le syndicat, dont les ressources diminuaient à cause du départ d’une grosse commune. Je crois que depuis le début des années 2000 beaucoup de règles de ce genre ont été modifiées. Depuis cette date également le syndicat ci-dessus a adhéré au Syndicat Intercommunal des Énergies de Seine-et-Marne, SIESM, qui, si j’en crois www.sdesm.fr comprend un très grand nombre des communes de Seine-et-Marne, sans distinction de population semble-t-il.
Un SIVU (Syndicat à vocation unique) créé lors des travaux d’assainissement dans le village et qui allait disparaître assez vite avec la fin du remboursement des emprunts, complète la collection de Syndicats auquels la commune était adhérente. Elle témoignait de l’obligation de plus en plus évidente, d’avoir à s’associer à d’autres pour mettre des moyens en commun.
Avec la construction d’écoles à Doue et à Saint Germain sous Doue dans le cadre du regroupement scolaire, il devint nécessaire de définir la répartition des dépenses entre les deux communes, et le cadre réglementaire permet dans ce cas de créer un SIVU entre les deux communes ; ce qui fut fait
- d) FUSIONS DE COMMUNES.
C’est le fait que la commune adhérait à plusieurs syndicats qui , assez rapidement, me fit réfléchir à la fusion des communes : pourquoi ne pas aller au bout de la logique de l’intercommunalité, la fusion ? J’en parlai au maire ; il m’indiqua qu’à l’époque de la loi MARCELLIN une fusion avait été envisagée entre Doue et Saint-Germain sous Doue mais qu’elle avait échoué parce que cette dernière commune craignait l’ampleur des dépenses engendrées par l’entretien de l’église de Doue. Remarquons qu’une fusion entre Doue et Saint Germain nous aurait ramené, comme on l’a vu ci-dessus, à regrouper ce qui constituait l’emprise du seigneur de Doue avant la Révolution.
« La mise en œuvre de la loi dite MARCELLIN du 16/07/1971 confie au niveau départemental à des groupes de travail préfectoraux de réaliser des plans de fusion ou de regroupement… (Elle) se traduit finalement par un échec indiscutable en ce qui concerne les fusions (environ 1000 pour 37000 communes) et relatif en ce qui concerne les regroupements (où chaque commune garde un maire délégué, l’état-civil, une liste électorale). Son principal résultat tangible fut en tout cas de discréditer durablement l’idée de fusion. » Ch. PEZON et S . PETITET. L’intercommunalité en France de 1890 à 1999. La distribution d’eau potable en question. 26/03/2004. p.5. Dans www.agroparistech.fr.
En ce qui concerne la commune de Doue, on ne m’a jamais opposé d’objection majeure à une fusion avec d’autres communes, mais plutôt des difficultés pratiques comme pour la gestion des écoles. Pour ma part, je voyais dans le canton une possibilté de régler drastiquement (sinon facilement !) le nombre de communes. Il y avait alors en France 4055 cantons qui seraient devenus 4055 communes (à comparer aux 8000 communes allemandes). En Seine-et-Marne avec 512 communes et 41 cantons (*) on aurait regroupé en moyenne 512/41 = 12 à 13 communes pour en faire une seule. La nouvelle commune de Rebais, avec la fusion de 18 communes aurait été peuplée d’environ 13000 habitants. (*) De fait 43 avec 2 cantons à Meaux et Melun. On a vu ci-dessus que le canton a été modifié d’une tout autre façon ; depuis 2014 il y a en a 23 en Seine-et-Marne, avec un découpage qui réduit sérieusement l’importance des communes rurales dans l’Assemblée départementale. On diminue ainsi de plus en plus la représentation de l’espace, qui est pourtant célébré comme une qualité de la France. Les communes sont inchangées mais noyées dans des syndicats intercommunaux qui, semble-il, ont tendance à devenir obèses (voir ci-dessus).
LE CONGRÈS DES MAIRES DE FRANCE.
Pendant mes deux mandats j’ai assisté à plusieurs reprises au Congrés annuel. J’assistait aux ateliers et aux séances qui me paraissient le mieux correspondre à l’intérêt des communes rurales. Je n’y ai jamais eu de révélations fracassantes, mais on pouvait y trouver des idées et cela donnait une vue d’ensemble des problèmes. J’y appréciais la neutralité politique qui voulait que le président et le secrétaire général soit de tendances politiques opposées ; les délégués votaient massivement pour ce système. Par ailleurs c’était une exposition où l’on nous montrait des équipements municipaux souvent coûteux et pas toujours très utiles. J’ai eu l’occasion d’y expérimenter une machine à voter qui me semblait un progrès réel à côté de la méthode habituelle ; cet appareil n’a pas eu grand succès (une soixantaine de villes l’utiliseraient) et je découvre qu’il y a même eu en 2015 le dépôt d’une loi visant à les interdire. La peur de la fraude les condamneraient aux yeux des Français ; on oublie les fraudes du vote papier, certes moins nombreuses qu’au siècle dernier.
J’ai inclus ici un paragraphe sur le Congrès des Maires parce que c’est là où j’ai senti une résistance quasi absolue à l’idée de fusion. De temps à autre, quelqu’un glissait un mot sur le sujet dans son intervention. Les contradictions jaillissaient immédiatement avec des arguments qui relevaient plus du principe (pas de fusions!) que du débat d’idées. J’ai entendu un jour qu’il n’était pas questions d’en arriver à 400 communes comme en Grande-Bretagne ; on était loin de cela, un objectif de 8000 comme en Allemagne aurait déjà été révolutionnaire. On voyait bien dans cette enceinte que PEZON et PETITET ont raison de parler du discrédit de l’idée de fusion. Pourquoi en était-on là ? Je ne m’aventurerais pas à donner des explications à ce phénomène qui semble être plus présent en France que dans d’autres pays. Depuis le début de cette année 2016 un petit mouvement se fait en faveur des fusions. Si l’on en crois les journalistes qui se précipitent sur les cas signalés, ce serait l’intérêt financier qui pousse les communes à fusionner ; c’est une raison qui est aussi bonne qu’une autre. Cela va-t-il s’accentuer ? Ce n’est pas certain étant donné d’une part les possibilités de regroupement auxquels sont liés des avantages, et d’autre part l’intérêt des hommes politiques pour la complexité administrative.
ET LA SUITE ?
Donc nous continuons avec notre kyrielle de communes, mais nécessité faisant loi, on se regroupe. En 1995, on a inventé le Pays, pour susciter des associations de communes un peu à la manière d’anciens pays comme le Pays basque. C’est un territoire présentant une « cohésion géographique, économique, culturelle ou sociale, à l’échelle d’un bassin de vie ou d’emploi» afin d’exprimer « la communauté d’intérêts économiques, culturels et sociaux de ses membres.» Wikipedia. En Seine-et-Marne je n’ai trouvé que le Pays fertois (La Ferté-sous-Jouarre) avec 19 communes ; la cohésion géographique n’y est pas évidente (les communes de Bassevelle et Pierre-Levée, associées à celles de la vallée de la Marne….). Plus ancienne (1992), la Communauté de communes, peu utilisée au début, s’est généralisée. Elle a une fiscalité propre et des compétences étendues (développement économique, aménagement de l’espace) qui vont s’étendre assez vite (prévention des inondations, gestion des déchets) sans compter d’autres compétences au choix (environnement, cadre de vie, voirie, équipement sportif, etc.) et bientôt distribution de l’eau et assainissement. On voit qu’à terme certains syndicats communaux seront englobés dans la communauté.
Depuis décembre 2010, Doue fait partie de la Communauté de communes de la Brie des Morin, dont le siège est à Bellot et qui comprend (en 2013) 21 communes pour environ 16000 habitants. La commune de Doue y est représentée par 2 délégués sur un total de 37. La constitution de cette communauté pourrait évoluer. Pour la Seine-et-Marne, l’intercommunalité est constituée de 32 communautés de communes (*), de 7 communautés d’agglomération (autour et y compris les villes importantes) et d’un syndicat d’agglomérations, soit un total de 40 structures, ce qui est exactement le nombre des cantons, nombre qui m’avait semblé pertinent dans le cas de fusions de communes.
(*) Le nom de la Brie a été beaucoup employé dans les désignations et leur l’énumération montre une géographie particulière de ce qu’on appelle la Brie, outre la Brie des Morin (Bellot) on a les communautés de communes de la Brie boisée (Pontcarré), de la Brie des moulins (Pommeuse), de l‘Orée de la Brie (Brie-Comte-Robert), de la Brie centrale (Verneuil-l’Étang), de la Brie nangissienne (Nangis), du Coeur de la Brie (La Ferté Gaucher) et les Portes briardes entre villes et forêts (Ozoir-la-Ferrière). Réservation de la qualité des paysages et de la biodiversité